Calme très précaire à Tripoli, après le déploiement de l’armée

Le déploiement de l’armée à Tripoli a eu pour effet de mettre fin aux échanges de tirs et de rétablir le calme, qui reste cependant précaire puisque les heurts ont repris, pour un certain temps seulement, dans l’après-midi.

L’armée libanaise s’est déployée hier dans l’ensemble des quartiers de Tripoli touchés ces derniers jours par des violences confessionnelles meurtrières liées au conflit dans la Syrie voisine. Des unités de l’armée sont arrivées à 6h du matin, rue de Syrie, qui sépare le quartier de Bab el-Tebbaneh de celui de Jabal Mohsen, selon un communiqué de la troupe qui précise que des patrouilles circulent en permanence dans la ville pour empêcher une reprise des combats, pendant qu’une unité de génie désamorçaient les bombes non explosées. Dans le même temps, des bulldozers nettoyaient le périmètre, démantelant les barrages installés par les groupes armés. Des équipes de la compagnie libanaise d’électricité s’employaient pour leur part à rétablir le courant. Les forces régulières ont achevé leur déploiement après être entrées lundi en soirée dans les quartiers touchés par les affrontements qui ont fait neuf morts et des dizaines de blessés depuis samedi à Tripoli.

« Dieu merci, l’armée est entrée et nous avons la paix maintenant. Certaines personnes qui avaient fui ont commencé à revenir, mais la plupart ont encore peur, parce qu’il est déjà arrivé que les combats reprennent après le déploiement de l’armée », a dit à l’AFP Ahmad Jaber, habitant de Bab el-Tebbaneh. Mais cette trêve a été de courte durée, comme l’a prévu Jaber, puisque les combats devaient reprendre de plus belle dans l’après-midi, dans le secteur des vieux souks, où trois personnes ont été blessés. L’armée devait se déployer également dans cette zone. Le calme était revenu en soirée à Tripoli, mais la tension y reste très vive, surtout que de nombreux militants islamistes poursuivent leur sit-in, en signe de protestation contre le maintien en prison de Chadi Mawlaoui et d’un groupe d’islamistes. Un camp improvisé était toujours installé à l’entrée sud de la ville. L’ancien député Misbah Ahdab s’est rendu auprès des protestataires pour discuter avec eux de l’affaire de l’arrestation de Mawlaoui et de celle des détenus islamistes. Dans une déclaration à la presse, il a rappelé qu’il y a eu depuis des années des mises en garde contre une exacerbation de la tension née de la détention, sans jugement, d’un groupe d’islamistes arrêtés après la guerre de Nahr el-Bared, en 2007. derbiha bne3ssaAujourd’hui, le ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel, présidera une réunion du Conseil régional de sécurité au Sérail de Tripoli, afin de discuter avec les responsables de la sécurité dans la région, des moyens de maintenir le calme dans la ville où les sentiments d’inimité restent profondément exacerbés comme en attestent les témoignages recueillis par l’OTV.

« Ils nous ont fait du mal »
« C’est sûr que nous allons recommencer à nous battre avec les partisans d’Assad, ce n’est qu’une question de temps », a déclaré à l’AFP Abou Zyad, pêcheur à Tripoli. « Ils nous ont fait tant de mal », a-t-il ajouté, faisant allusion aux alaouites. « La Syrie n’a apporté que des problèmes au Liban, surtout dans le Nord et à Tripoli », a-t-il poursuivi.
« À mon avis, la situation va empirer. Le problème est résolu pour le moment mais ça va dégénérer à nouveau », a estimé à son tour cheikh Nabil al-Rahim, un responsable religieux de la ville côtière. Et d’expliquer : « Tripoli est devenu un soutien essentiel pour la révolution (en Syrie), avec de l’argent et des armes, et un lieu où les réfugiés sont aidés. Or certains veulent mettre un terme à cela. » Pour cheikh Nabil al-Rahim, les autorités libanaises sont « largement responsables des derniers heurts », intervenus après l’arrestation d’un islamiste soupçonné de terrorisme.
« En tant que sunnites, nous nous sentons visés par l’État et l’armée », a indiqué à son tour Omar Lababidi, un ouvrier du bâtiment de 30 ans. « Quand un chiite est armé, ils l’appellent un combattant de la résistance », ajoute-t-il en référence au Hezbollah. « Quand un sunnite a un couteau, ils l’appellent un terroriste », s’est-il lamenté, alors qu’un autre, Ahmad Jaber, impute la source du conflit aux problèmes socio-économiques dans la région. « Les jeunes prennent les armes parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire », a-t-il observé. « La plupart d’entre nous n’ont pas de travail. »

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