Par Sami SHERIF
L’Egypte est désormais à son 2ème round de la révolution commencée un certain 25 janvier 2011. Ce n’est pas un président venu au pouvoir par un coup d’Etat ou d’une quelconque autre machination que nombre d’égyptien veulent faire chuter, mais c’est bien à un président démocratiquement élu qu’ils appellent à la démission. Paradoxe de cette nouvelle étape, c’est que ceux qui lui demandent de partir sont plus nombreux que ceux qui avaient voté pour lui il y a un an jour pour jour. Ils sont 30 millions à être sortis manifester contre lui. Ils étaient 22 millions à avoir signée une pétition lui demandant de démissionner pour permettre la tenue d’une élection présidentielle anticipée. L’armée défend le peuple sorti en masse protester contre un président qui n’a pas cessé de commettre des erreurs attisant plus de de haine et de grogne autour de lui et des frères musulmans le soutenant énergétiquement. Elle vient de lui donner un ultimatum de 48 heures pour satisfaire les revendications du peuple égyptien, ultimatum auquel le président a déjà opposé un non catégorique. La tension est à son comble en Egypte. Comment en est-on arrivé là deux ans et demi après l’espoir soulevé par la chute de l’ancien dictateur Hosni Moubarak ?
Il faut dire que le processus de contestation avait commencé dès les premiers jours de la présidence de Morsi. Mais ce qui lui a permis de s’amplifier à ce point c’est d’abord la confection à la sauvette par l’assemblée constituante d’un projet de constitution intégrant nombre d’orientations controversées ayant divisé le peuple égyptien. Puis, il y a l’absence de processus politique empêchant de canaliser le mécontentement. De fait, l’Egypte se trouve dans une situation de vide institutionnel. Depuis que l’Assemblée du peuple a été dissoute par la Haute cour constitutionnelle (HCC) en juin dernier, les pouvoirs législatifs reposent sur le Sénat, qui a été, à son tour, invalidé au début du mois. Ce qui rend d’autant plus compliquée la rédaction de la nouvelle loi électorale. Les coups que se portent à tour de rôle le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire contribuent à la paralysie politique. La perspective de nouvelles élections s’éloigne.
Dans cette confusion, le président Morsi n’est plus vraiment fondé à accuser l’opposition de saper la logique démocratique: à partir du moment où les Egyptiens n’ont plus la perspective de pouvoir sanctionner le pouvoir par les urnes, il ne leur reste plus que la rue pour manifester leur désaveu de sa gestion.
Les erreurs du Président Morsi se sont multipliées ces dernier temps pour la raison bien simple qu’il ne se considère pas comme le Président de tou
s les égyptiens, mais plutôt le président issu du mouvement des Frères Musulmans seulement. Son intervention au sommet des Oulamas wahabites du monde approuvant l’appel que ces derniers ont fait à la mobilisation générale dans le monde musulman pour le Jihad en Syrie, sa position en faveur des rebelles syriens et son silence à propos des crimes commis contre des Chiites dans la rue au su et au vu des forces de l’ordre, ont largement contribué à son impopularité grandissante. Le risque soulevé par le projet de barrage éthiopien quant à l’avenir du pays, n’a eu aucun intérêt auprès de la présidence qui a fait à son propos des déclarations évasives qui dénotent de son inconscience flagrante et d’une irresponsabilité trop voyante. Morsi a désormais réuni sans en être conscient, tous les ingrédients pour précipiter son passage à la présidence vers sa fin ultime.
Les Egyptiens ont aussi le sentiment que les Frères musulmans cherchent à profiter de cette instabilité pour pousser leurs pions en nommant des hauts responsables, des ministres, des gouverneurs issus de leurs rangs. La confrérie n’est pourtant pas seule responsable de cette impasse: ce sont les militaires qui ont fixé au départ les nouvelles règles du jeu politique et l’opposition s’est montrée incapable de s’organiser et de proposer une alternative crédible.
Aujourd’hui, le retour de cette armée à la politique est bel est bien souhaité par une majorité d’égyptiens, mais pas pour toujours, juste le temps d’organiser des élections présidentielles anticipées.
Sami Shérif