Par Salem BENAMMAR
Samuel Huntington dont l’ouvrage sur le choc des civilisations a suscité beaucoup de controverses à sa parution, s’est certainement trompé sur tous les points, sauf un seul, celui qu’il appelle la « civilisation islamique » qu’il aurait dû qualifier de wahhabite en mettant en exergue l’utilisation des Américains du wahhabisme pour étouffer les velléités de cette civilisation.
Plus que toute autre, elle est à contre-courant de l’évolution du monde et des droits universels humains et hostile culturellement à toute forme de progrès et de développement à cause de la mainmise de la religion sur la vie des hommes.
Fermée sur elle-même et ethnocentrique, négatrice des libertés individuelles, despotique et mutilatrice de toute forme d’imaginaire, non seulement elle refuse toute ouverture sur le monde qui l’empêche de se régénérer et de se changer, mais plus grave encore du fait de son prosélytisme activiste et agressif, elle poursuit des desseins hégémoniques, belliqueux et cosmiques, ambitionnant de devenir elle-même un nouveau gouvernement mondial mettant ainsi en péril les fondements mêmes de notre humanité nonobstant les graves dangers qu’elle fait courir à la paix et la sécurité dans le monde.
Dans le cas d’espèce, il s’agit moins d’un choc frontal des civilisations que d’une véritable guerre que la civilisation islamique wahhabisée semble aujourd’hui livrer avec l’appui diplomatique et stratégique des protecteurs américains au reste de l’humanité non musulmane, voire musulmane dans le sens de ré islamisation, entamée depuis les attentats du 11 septembre 2011 pour la dominer et l’asservir à la manière du bolchevisme et du nazisme.
Ni la civilisation hindoue, ni la civilisation chinoise, ni aucune autre civilisation catégorisée par Huntington ne porte en elle les germes d’un nouvel ordre mondial symptomatiques de chaos, de réaction, de barbarie humaine, suscitant angoisses, rejets et peurs phobiques au sein de l’opinion publique internationale telle que la civilisation islamique tournée vers le djihad et la terreur.
Le modèle de société qui se profile dans l’espace musulman lui-même en proie à une wahhabisation effrayante au cours de la dernière décennie et tout particulièrement au lendemain des révolutions du nouveau Croissant wahhabite n’est rien d’autre en réalité que l’aboutissement du Pacte de Quincy, du nom du croiseur USS Quincy, scellé en février 1945 entre le Roi wahhabite Ibn Saoud fondateur du Royaume d’Arabie Saoudite, un véritable Reich nazie tant dans sa culture politique raciste et ségrégationniste que dans l’organisation de sa société, et du Président Roosevelt à son retour de la conférence de Yalta du 11 au 14 février 1945…
La civilisation islamique dans sa variante wahhabite ointe par la Maison Blanche soucieuse de ses seuls intérêts énergétiques et impériaux est en train de tout contaminer et détruire sur son passage. Provoquant des dégâts et des traumatismes incommensurables au sein même des populations musulmanes, comme on l’observe aujourd’hui à l’échelle d’un pays comme la Tunisie, devenue un nouveau théâtre de ce choc des civilisations, non pas civilisation islamique contre le reste du monde et donc intercivilisationnel, mais un choc « intracivilisationnel » entre des musulmans qui veulent vivre un Islam humanisé, apaisé et adapté au monde contemporain et d’autres qui veulent leur imposer un Islam liberticide, ultra réactionnaire, rigoriste, nihiliste, et aux antipodes des aspirations nées de ce qu’ils croyaient être une Révolution du printemps de la dignité humaine.
Voilà pourquoi la Tunisie est à elle seule le symbole de ce choc frontal des deux projets de civilisation, l’un qui se veut universaliste et humaniste et l’autre qui se veut passéiste, désuet, inhumaniste, de repli sur soi, arrogant, inquisiteur, raciste et antisémite.
Le cas de la Tunisie illustre ainsi à lui tout seul ce que le monde musulman wahhabisé sera demain et les risques d’irradiation sur le reste du monde. Si jamais la Tunisie se trouve emportée par la tsunami wahhabite, cela va produire inévitablement un effet de domino partout ailleurs. Les Américains adeptes du double langage et soucieux de renforcer l’influence des wahhabites sur les pays arabophones dont la Tunisie constitue la première pièce du puzzle, claironnent à tout va qu’ils veulent faire de ce pays un laboratoire de la démocratie dans le monde arabophone.
Il n’existe à ce jour aucun exemple de pays au monde où les américains ont véritablement œuvré pour l’émergence d’Etats démocratiques. Ils ont toujours fait le choix de la tyrannie contre la démocratie. Ils sont comme leurs godillots wahhabites : puritains chez soi mais luxurieux chez le voisin.
Après avoir contribué à l’intronisation des islamistes en Tunisie, comme en Libye et en Egypte, pour en faire des gardiens fidèles des dogmes wahhabites dans ces pays, il faut être atteint de cécité intellectuelle et d’altération totale des facultés mentales pour ne pas s’en rendre compte que le seul laboratoire dont on peut légitimement parler est que ce pays est devenu un terrain d’essai de recyclage tout démocratique des anciens agents du terrorisme wahhabite qui n’est pas sans rappeler dans ses modalités et finalités la prise de pouvoir des nazis en Allemagne en 1933.
A moins qu’il ne s’agisse d’un tout autre laboratoire encore plus redoutable qui dissimule des enjeux géostratégiques, géopolitiques et géo-énergétiques périlleux pour la stabilité de la région et par ricochet de l’Europe elle-même. Hungtinton semble avoir ou feint d’oublier que la doctrine américaine de politique étrangère est l’art d’utiliser le mal pour éradiquer et combattre le mal. S’alliant avec le diable pour pouvoir mieux le contrôler et le dominer. Naïfs, ils semblent ignorer que les relations internationales est un jeu de rapports de force et de pouvoir, et non une kermesse américaine avec un spectacle de marionnettes.
Au lieu de mener une guerre directe à la civilisation islamique, autant se servir de ses propres cellules cancéreuses pour la miner et l’anéantir. Il n’y a pas mieux pour elle que la gangrène wahhabite pour faire d’une pierre deux coups : wahhabiser la civilisation islamique, c’est-à-dire sa mise à mort et mettre la main sur les formidables ressources naturelles des pays arabophones.
Cependant les Américains n’ont toujours pas retenu la leçon de l’Iran dont ils voulaient faire aussi un laboratoire de la démocratie dans les pays musulmans et qu’à force de surestimer leur propre force et de mépriser l’adversaire, surtout quand il est le produit d’une culture autodestructrice et obscurantiste, ils oublient l’effet boomerang de leur stratégie perverse et sournoise qui fait de la terreur un instrument pour lutter contre le violence terroriste inhérente à la civilisation islamique fondamentaliste.
C’est moins cette civilisation qui s’avère être la source des maux contemporains que l’approche américaine pour la contrer et l’annihiler. Après avoir contribué à la création d’Al-Qaïda pour lutter contre le communisme en Afghanistan qui leur infligé la morsure mortelle du cobra, les Yankees sourds et aveugles continuent à reproduire les mêmes erreurs du passé en laissant Al-Qaïda financée par leurs filleuls wahhabites du Qatar et des Saoud proliférer en Tunisie qui est en train de se transformer en sanctuaire djihadiste aux portes de l’Europe et qui ne manquera pas de devenir le cas échéant une base-arrière de la déferlante wahhabite sur l’Algérie si la Syrie tombe sous le joug du terrorisme wahhabite.
En faisant du wahhabisme le fer de lance de leur politique étrangère pour les pays arabes sous couvert de démocratie, dont ils s’avèrent être les pires ennemis en la sacrifiant sur l’autel de la théocratie et de l’obscurantisme, les Américains ne sont pas conscients qu’ils sont en voie de creuser la tombe de la civilisation occidentale elle-même.
Salem Benammar