Par Sami SHERIF
La Tunisie n’a cessé depuis l’avènement des islamistes au pouvoir de faire sa descente dans les ténèbres. Le désordre qui y règne ne peut être assimilé qu’à celui qui sévit en Égypte, elle-même gouvernée par des islamistes. Comme au Caire, où le Président Morsi et son chef de gouvernement reçoivent leurs consignes du Mourchid des Frères Musulmans, à Tunis, les ministres et leur chef sont en fait dirigés par le patron d’Annahda Rachid El Ghanouchi. Celui-ci, essaie de charmer les jihadistes et les salafistes qui demandent l’instauration d’un régime régi par la Chariah. Il les ménage malgré leurs actes violents et contraires à la loi. Ce qui les encourage à multiplier de la violence contre les débits de boissons alcoolisés et contre tous ceux qui osent réclamer la laïcité du pays.
Dans la soirée de samedi 12 janvier, alors que les télévisions tunisiennes commentaient les événements au Sahel, un mausolée situé au nord de Tunis, dans le quartier touristique de Sidi Bou Said a été ravagé par un incendie criminel. « Quand on commence à détruire son patrimoine, quelles que soient ses croyances, c’est la fin de tout », murmurait un habitant en contemplant dimanche avec amertume les murs et la tombe calcinés du saint Sidi Bou Saïd El Béji. Aujourd’hui, les salafistes sont
passés à une autre étape, celle de l’assassinat politique des opposants au gouvernement islamiste. Conscient du chemin chaotique emprunté par son pays, le Président Marzouki vient de menacer de démissionner de son poste. Comme en Égypte, la situation est; à ne pas douter, très grave en Tunisie.
Alors qu’il sortait de son domicile à Tunis, Chokri Belaïd, l’un des leaders de la coalition du Front Populaire, a été assassiné par balles ce matin du mercredi 6 janvier 2013. Il a reçu une balle dans le cou et une autre dans la tête. Transporté en urgence à l’hôpital, il est décédé peu après son arrivée. « Les motivations derrière cet assassinat sont pour l’instant inconnues », note Tunisia Live. Le défunt ne ménageait pas ses critiques contre l’actuel gouvernement. « Il avait rejoint une coalition de partis d’opposition, le Front Populaire, qui se pose en alternative au pouvoir en place ». Il était l’un des plus virulents opposants aux salafistes qui d’ailleurs ne cachaient nullement leur haine à son égard. Dans une vidéo qu’ils avaient tournée en juin 2012, l’un de leurs meneurs criait à qui voulait l’entendre : « Nous réclamons la tête de Nejib Chebbi et Chokri Belaïd; ainsi que de ceux qui les soutiennent […] Venez à Zarzis si vous avez du sang qui coule dans les veines et vous verrez comment vous serez reçu. Ils n’ont pas le droit de parler au nom des Tunisiens, du peuple de Zarzis, ni au nom des musulmans. Ce sont des mécréants. C’est Dieu qui le dit, ce sont des éléments de la Charia, ce n’est pas moi. »
Dès que la nouvelle fut reportée sur les réseaux sociaux, des milliers de manifestants sont descendus dans la rue pour exprimer leur indignation et leur colère à l’égard de ce crime terroriste. L’avenue Bourguiba, principale artère de Tunis, est à présent bloquée par les manifestants. Une grande partie de la foule s’est dirigée vers le siège du Ministère de l’Intérieur. Les manifestants crient leur solidarité avec le leader assassiné ce matin : « Nous sommes tous Chokri », « O Chorki, O Martyr, nous te suivrons » ou « Terrorisme, balles, les Tunisiens n’ont pas peur ».
Soupçonné d’être derrière l’assassinat de Chokri Belaïd, le pari d’Annahda fut fustigé par les manifestants qui ont scandé : « Ghannouchi, tu es un prédateur », « Dégage », « C’est le dernier jour de ce gouvernement » ou encore « A bas l’oppresseur du peuple, à bas le parti des Frères ».
Les manifestations ont gagné d’autres villes l’après-midi même. A Sidi Bouzid, berceau de la révolte de
2011 dans le centre-ouest, la police tunisienne est intervenue en tirant des gaz lacrymogènes sur des manifestants qui tentaient de prendre d’assaut le siège de la police. Quelque 200 manifestants ont attaqué ce commissariat, et les policiers ont répliqué immédiatement avec les gaz avant de prendre la fuite. L’armée est intervenue pour tenter de calmer la foule dans cette ville déshéritée, mais ayant acquis une certaine notoriété de ville révolutionnaire.
Ailleurs à Mezzouna, à 75 kilomètres au sud-est de Sidi Bouzid, des milliers de manifestants ont saccagé les locaux du parti islamiste tunisien au pouvoir Ennahda avant de l’incendier, selon plusieurs témoins interrogés par l’AFP. À Gafsa, dans le bassin minier tunisien, des dizaines de personnes ont pénétré dans les locaux d’Ennahda, y brisant les meubles et arrachant les banderoles du mouvement. Quelque 700 personnes ont manifesté pacifiquement dans cette même ville.
Le frère de Chokri Balaid, Abdelmajid Belaïd a fait une déclaration devant le micro de l’AFP où il a dit : « Mon frère a été assassiné, je suis plus que désespéré et déprimé ». L’épouse de l’opposant assassiné, quant à elle, a annoncé sur la radio Mosaïque, qu’il a été touché par deux balles alors qu’il sortait de chez lui. Son frère a immédiatement accusé le parti islamiste Ennahda, qui dirige le gouvernement tunisien, d’être responsable du meurtre. « J’emmerde tout le mouvement Ennahda et j’accuse (son chef) Rachid Ghannouchi d’avoir fait assassiner mon frère », a-t-il déclaré, sans plus d’explication.
Le Premier ministre, Hamadi Jebali, du parti islamiste Ennahda, a dénoncé un « acte de terrorisme » contre toute la Tunisie. « Le peuple tunisien n’est pas habitué à ce genre de choses, c’est un tournant grave (…), notre devoir à tous, en tant que gouvernement, en tant que peuple, c’est de faire preuve de sagesse et de ne pas tomber dans le piège du criminel qui vise à plonger le pays dans le désordre », a-t-il déclaré.
Le président Moncef Marzouki a annulé sa participation au sommet de l’Organisation de la coopération islamique (OCI),
au Caire, pour rentrer en urgence à Tunis après le meurtre de Chokri Belaïd. « Il rentre en début d’après-midi. Ça vient d’être décidé », a déclaré Ghassen Dridi, un conseiller du chef de l’État joint par téléphone. Moncef Marzouki était à Strasbourg, où il a participé mercredi à une séance du Parlement européen et y a rencontré le président français, François Hollande. Il devait se rendre jeudi au Caire depuis la France pour le sommet de l’OCI.
La présidence a aussi dénoncé dans un communiqué le meurtre de Belaïd comme un crime « odieux », visant à « mener le peuple tunisien à la violence ». Elle a aussi appelé à « la retenue » et à « la sagesse », alors que les proches de Chokri Belaïd ont accusé les islamistes au pouvoir du parti Ennahda d’être responsables de ce meurtre.
Sami Shérif (d’après AFP)