Par Sami SHERIF
Le Roi Abdellah d’Arabie Saoudite vient ce vendredi 11 janvier 2013 de désigner 30 femmes pour siéger au sein de l’Assemblée de la Choura dont les 150 membres sont nommés et dont le pouvoir est strictement consultatif. Ce pas franchi avec beaucoup de retard semble être dicté par le contexte des évènements de
Syrie. La monarchie saoudienne veut redorer son image auprès de certains milieux occidentaux qui reprochent désormais publiquement à l’Arabie Saoudite de n’être pas en conformité avec les conventions internationales sur les droits de la femme, et ce, de par le sort qui lui est réservé. De même, cette décision pourrait répondre aux détracteurs de ce pays qui n’hésitent pas à douter de sa politique favorable aux rebelles syriens soupçonnés de vouloir revenir sur les droits de la femme une fois au pouvoir. Nombre d’observateurs souligne que l’on ne peut prétendre libérer la Syrie laïque où la femme est reconnue dans tous ses droits au même titre que les hommes, et pratiquer chez soi une politique excluant la femme de tout activité publique.
La monarchie saoudienne est fondée sur une légitimité religieuse ; la ségrégation entre les hommes et les femmes est strictement appliquée depuis les années 1980 : il existe des universités réservées aux femmes dans lesquelles elles peuvent étudier la science islamique et s’exprimer ensuite publiquement. Dans les années 1990 sont ainsi apparues des prédicatrices militantes, qui interviennent dans des espaces féminins où s’ouvrent des discussions, où s’échangent des conseils et des formes de soutien. Les positions de ces femmes ne s’opposent pas à celles des grands ulémas ; seulement, elles traitent de questions liées aux femmes que n’évoquent en général pas les prédicateurs hommes.
Il est toute fois aberrant de lier cette décision au seul contexte régionale, puisque la lutte des femmes saoudiennes s’est
intensifiée ces derniers temps. Déjà, depuis le début des années 90, Mme Maddawi ERRACHID, sociologue et universitaire saoudienne au Royaume-Uni, s’était distinguée par ses critiques virulents envers la monarchie de son pays pour sa politique en général et pour le statut qui y est réservé à ses compatriotes du même sexe.
En 2003 le thème des « droits de la femme » connaît un grand succès dans le pays. Le gouvernement mène une politique de réformes, axée sur une certaine modération et sur la promotion de la place de la femme dans la société, accompagnée d’une politique de répression à l’égard des « déviants en religion », contre les « résidus de coutumes rétrogrades » dans les discours.
En juin 2011, une autre saoudienne Manal Al Sharif a attiré, l’attention de tous les médias internationaux: cette Saoudienne avait posté sur You Tube des vidéos où elle conduisait une voiture, bravant sciemment un interdit du Royaume. Le mouvement Women2drive, né il y a un an, avait mobilisé une dizaine de femmes. L’année
dernière encore, une vidéo inédite a été récemment placée sur YouTube. Son originalité réside dans le fait qu’elle montre une scène se passant dans la rue où une saoudienne parait tenir tête à la police religieuse. La vidéo fait tabacs, elle a été visionnée par plus d’un million de personnes. La fureur qu’elle a enclenchée tient au fait qu’elle montre des membres de la police religieuse prenant à partie une femme et lui demandant de sortir d’un centre commercial de Riyad en raison de son vernis à ongles. La jeune femme a adressée à la police. « Je ne partirai
pas. Je veux savoir ce que tu peux me faire (…) le gouvernement a interdit vos patrouilles et votre rôle est uniquement de conseiller les gens », hurle la femme à l’adresse du chef de la patrouille. « Vous n’êtes pas responsables de moi et le fait que je mette du vernis à ongles ne vous concerne pas », crie-t-elle dans la vidéo de trois minutes et demie, alors qu’habituellement les gens ne discutent pas avec les membres de cette police crainte par tous les citoyens.
Juste après ces incidents les responsables saoudiens ont décidé, d’autoriser les femmes à participer au vote pendant les élections municipales. Mais la décision la plus spectaculaire prise en 2011, est celle autorisant les femmes à participer aux Jeux Olympiques de Londres. Toute fois l’ONG Human Rights Watch a souligné l’hypocrisie d’une telle décision: dans ce pays qui détient l’un des pires bilans en matière de droits des femmes, les filles n’ont pas de cours d’éducation physique à l’école, et les infrastructures gouvernementales tout comme les entraîneurs sont réservés aux sportifs de sexe masculin. Seule une femme, la cavalière Dalma Rushdi, devrait ainsi se qualifier pour la compétition!
Il y a lieu de souligner que le Roi Abdellah, n’a pas manqué lors de son discours où il a annoncé la décision de permettre aux femmes de son pays d’être représentées au sein de cette instance consultative, d’astreindre les femmes désignées à un stricte aspect vestimentaire « islamique » et à des itinéraires qui leurs seront réservées pour accéder au siège de l’assemblée et pour la quitter!
Sami Shérif