Le Yémen continue de sombrer. Dans le Nord et dans le Sud, les tendances sécessionnistes sont plus fortes que jamais. Et dans la capitale, le pouvoir légal se heurte aux hommes de l’ancien président Ali Abdallah Saleh. Celui-ci semble absolument pas prêt à accepter la perte de son pouvoir.
« Le 4 septembre dernier s’est tenue à Riyad la conférence des pays donateurs du Yémen. Elle sera suivie par la réunion des investisseurs privés et des organisations non-gouvernementales « , relate le quotidien saoudien Al-Watan.
Le dernier succès en date est l’annonce par le gouvernement de la reprise du contrôle sur la province d’Abyan [au sud], qui avait longtemps été entre les mains des groupes islamistes radicaux. »
Ce relatif optimisme n’est pas partagé par tous. Fahmi Howeïdi éditorialiste égyptien vedette, écrit ainsi, dans le quotidien du Caire Al-Shorouk , que « le pays risque de se disloquer. Quand l’Etat s’affaiblit, il est normal que les gens aient recours à la tribu. Or au Yémen, cela est allé très loin.
Dans le Nord du pays, les rebelles houthistes [qui se revendiquent du zaydisme, une branche du chiisme, en rébellion depuis 2004 contre l’influence grandissante du sunnisme d’obédience saoudienne dans le pays] disposent désormais d’une quasi-autonomie, comme les Kurdes en Irak, leur permettant à la fois de resserrer leurs rangs et de rester présents au cœur de l’Etat central. Ils ont étendu leur territoire au-delà de Saada et d’Amrane, tout en ayant des cellules à Sanaa, avec l’idée, disent certains, d’y rétablir l’Imamat [ancienne théocratie zaydite du Yémen].
Au Sud, la situation est encore pire, avec des tendances sécessionnistes de plus en plus fortes. Ces jours-ci se déroulent des manifestations à Aden et ailleurs qui réclament le rétablissement du Yémen-Sud tel qu’il existait avant l’unification de 1990. Et récemment, l’un des principaux chantres sécessionnistes, Ahmed Al-Hassani, est rentré d’exil pour réclamer ouvertement ‘la libération de l’occupation nordiste. »
Toutefois, le principal danger pointé par l’éditorialiste Howeïdi réside dans « la diarchie du pouvoir à Sanaa » : « Qui aurait cru que le Yémen allait vivre avec deux présidents, deux armées, deux univers médiatiques ? Certes, le président en titre, Mansour Al-Hadi, se rend quotidiennement à son bureau, mais l’ancien président Ali Abdallah Saleh, qui a été contraint à la démission [en février dernier] par les manifestants après trente ans de règne, n’a toujours pas quitté le pays [comme il aurait dû le faire en vertu d’un plan de transition du pouvoir, élaboré sous l’égide des pétromonarchies du Golfe]. Non seulement il n’a pas été poursuivi pour ses méfaits, mais en plus, il ne se tait pas. Il dispose toujours de ses hommes, de ses réseaux et de ses ressources financières. Et son fils, Ahmed Saleh, dirige toujours la garde républicaine, la capitale étant coupée en deux zones d’influence. »
Ces tensions se sont spectaculairement manifestées lorsque des gardes républicains ont attaqué à la mi-août le ministère de la Défense, en plein cœur de Sanaa, pour protester contre la décision du président de restructurer les forces armées au détriment du fils de Saleh. Cette attaque a fait cinq morts.
L’ex-président ne semble à présent plus seulement vouloir exercer son influence en coulisses ou via les membres de sa famille. A l’occasion de la réunion, lundi 3 août, du Congrès général du peuple, parti tentaculaire dont il est toujours le chef, il est ostensiblement revenu sur le devant de la scène politique – c’était sa première apparition en public depuis sa démission en février dernier : « Selon Saleh, le gouvernement d’union nationale est incapable de diriger le pays », titre le site yéménite Al-Taghiir, favorable pour sa parti à une « vraie » révolution.
Quant au quotidien Al-Motamar – qui signifie « congrès » en arabe et qui est l’organe du parti du même nom – il publie un éditorial signé Ali Abdallah Saleh, dans lequel celui-ci vante l’histoire du parti depuis 1982, année où il en a pris les rênes : « Le bon usage du pouvoir en fait une force morale, une énergie politique et une ressource populaire capable d’accomplir sa tâche. Le Congrès général du peuple a été et reste un immense territoire de rêves et d’aspirations nationales. » Et de conclure : « Si la création du parti en 1982 a été le commencement, nous sommes aujourd’hui à la veille d’un nouveau départ. » Un nouveau départ, ou un énième retour de Saleh ? L’avenir le dira.