La branche libyenne du groupe Etat islamique (EI) a déclaré la « guerre » à la puissante coalition de milices qui contrôle Tripoli après avoir revendiqué dimanche un attentat suicide qui a tué cinq de ses combattants.
Le gouvernement basé à Tripoli et non reconnu par la communauté internationale a réagi en appelant les forces armées à la « mobilisation urgente » face à l’EI qui représente selon lui un « danger imminent » pour le pays.
A l’aube, un kamikaze « s’est fait sauter » à bord d’une voiture « près d’un point de contrôle à une entrée de Dafiniyah », localité située entre Zliten et Misrata, à l’est de Tripoli, a déclaré un porte-parole de la coalition de milices de Fajr Libya (Aube de la Libye).
L’attaque, qui a eu lieu vers 03h00 GMT (05h00 locales), a tué cinq miliciens et en a blessé sept, selon un bilan donné par l’agence de presse LANA, proche des autorités de Tripoli.
L’EI l’a revendiquée sur Twitter et affirmé qu’elle avait été menée par un Tunisien identifié comme « Abou Wahib al-Tounsi ».
L’organisation jihadiste a aussi prévenu dimanche les miliciens de Fajr Libya qu’ils devaient se préparer à la « guerre ».
Coalition de milices hétéroclites mais dont certaines sont composées d’islamistes, Fajr Libya a pris le pouvoir l’été dernier à Tripoli. Elle y a installé de nouveaux gouvernement et Parlement, poussant les autorités reconnues par la communauté internationale à s’exiler à Beida et Tobrouk dans l’est du pays.
Désormais, une partie du territoire contrôlé par Fajr Libya est contesté par l’EI, qui a pris pied l’an dernier en Libye à la faveur du chaos qui y règne depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011.
Les jihadistes contrôlent déjà des zones dans la région côtière de Syrte, à 450 km à l’est de Tripoli, et ont revendiqué des attaques suicide contre Fajr Libya près de Misrata.
Et des jihadistes se sont emparés ces derniers jours de l’aéroport de Syrte, duquel des combattants de Fajr Libya se sont retirés. Situé à 150 kilomètres de l’important « croissant pétrolier » libyen, c’est le premier aéroport pris par l’EI en Libye.
« Les apostats de Fajr Libya (…) doivent savoir qu’une guerre se profile pour purger la Terre de leur crasse, à moins qu’ils se repentent et retournent à leur vraie religion », a indiqué l’EI sur Twitter.
Quelques heures après, les autorités de Tripoli ont appelé « les officiers et soldats de l’état-major de l’armée libyenne, les forces du ministère de l’Intérieur et de tous les services de sécurité ainsi que les révolutionnaires du 17-Février dans toutes les villes (…) à la mobilisation urgente ».
Dans un communiqué lu par son Premier ministre Khalifa Ghwel, le gouvernement appelle toutes ces forces « à ne pas laisser tomber leur patrie et à être prêtes pour défendre la terre, l’honneur et la religion », se disant « déterminé à combattre la pensée extrémiste (…) jusqu’à son éradication », et à « combattre les takfiris (allusion aux extrémistes) ».
Le gouvernement de Tripoli appelle aussi la communauté internationale à soutenir la Libye face « à ce danger imminent », et « les Etats concernés par la lutte contre ce phénomène destructeur à coopérer avec nous et à nous fournir le soutien technique, logistique et en matière de renseignement ».
Les autorités de Tripoli accusent les jihadistes de s’être alliés à des anciens du régime de Kadhafi pour prendre pied à Syrte, la ville du défunt dictateur.
Toujours selon le gouvernement de Tripoli, l’EI disposerait de « cellules dormantes » dans la capitale.
De son côté, le gouvernement reconnu par la communauté internationale s’est engagé samedi « à tout faire pour reprendre Syrte et son aéroport des mains des terroristes ». Il a réclamé des armes « pour combattre le plan de l’EI de s’emparer des champs de pétrole en vue de financer ses opérations ».
L’ONU tente depuis des mois de rapprocher les deux autorités afin de constituer un gouvernement d’unité nationale.
Samedi soir à Tunis, à l’issue d’une réunion sous l’égide des Nations unies, des élus locaux libyens ont appelé dans une déclaration à « la formation rapide » d’un tel gouvernement d’union. L’émissaire onusien Bernardino Leon travaille sur un nouveau projet d’accord, qu’il prévoit de présenter début juin.
Chahid Bendriss