On sait peu de choses du nouveau Calife… Mais suffisamment pour cerner le personnage : de son nom complet « Ibrahim, fils d’Awwad, fils d’Ibrahim, fils d’Ali, fils de Mohammed al-Badri al-Hashimi al-Huseini al-Qurashi », il est le dernier représentant d’une famille originaire de Samarra, en Irak, qui, selon la tradition, descend en droite ligne du Prophète Mahomet.
Irak Qui sont les combattants du CalifatNé en 1971, à Dyala, et connu pour avoir toujours mené une vie pieuse et religieuse, érudit titulaire d’un doctorat de l’Université de Bagdad, il a été emprisonné par l’armée américaine en 2005 et est resté quatre ans dans les prisons des forces d’occupation. En 2010, il réapparaît, devenu un des leaders d’al-Qaeda en Irak. On perd ensuite sa trace, jusqu’à aujourd’hui…
L’entreprise d’Abou Baker al-Baghdadi a dépassé le cadre d’al-Qaeda en Irak, comme l’a laissé comprendre l’ordre qui lui a été publiquement intimé par le leader d’al-Qaeda en péninsule arabique, le chef du socle historique de l’organisation et successeur d’Oussama Ben Laden : en novembre 2013, Ayman al-Zawahiri a commandé à al-Baghdadi de dissoudre l’EIIL et de rentrer dans le rang, en se limitant aux missions d’al-Qeada en Irak.
Mais le futur Calife Ibrahim a ignoré cet ordre et, d’un revers de manche, il a couvert de son ombre al-Zawahiri, aujourd’hui lui aussi enjoint de prêter allégeance au Califat.
Depuis son (ré)avènement, le Califat s’organise : le Calife a créé des provinces ; il a nommé des gouverneurs, des juges, qui rendent la justice en suivant les principes de la Charia, la loi coranique, des percepteurs d’impôts et des fonctionnaires ; la population est en train d’être recensée. La vente d’alcool, de drogue et de tabac a été interdite par décrets ; et les femmes qui sortent dans la rue doivent porter un « vêtement ample qui leur couvre le corps ».
Les territoires essentiellement sunnites qui constituent le Califat ne sont donc pas sauvagement « occupés » ; et une large partie de la population se satisfait du changement de pouvoir, préférant, pour l’instant, cette nouvelle administration islamiste à la présence de l’armée irakienne, qui était surtout composée de Chiites, et aux vexations quotidiennes qui en résultait. Par ailleurs, dans les villes les plus éloignées du front, la vie a repris un cours normal et, par le fait, les attentats islamistes sunnites contre l’armée chiite, très fréquents auparavant, ont complètement cessé : les rues sont donc plus sûres ; et les fonctionnaires de Daesh luttent activement contre la corruption : la plupart des commerçants préfèrent payer un « impôt fixe et juste » au Calife, plutôt que des sommes exorbitantes aux mafieux venus de Bagdad…
Pas de pillages, pas de violence gratuite. On pourrait dire, si les islamistes n’avaient pas égorgé des centaines de personnes dans les villages chiites et Turkmènes (majoritairement chiites) passés sous leur contrôle, que Daesh applique à la lettre les recommandations du Coran pour le djihad armé : « les arbres ne seront pas coupés, les récoltes ne seront pas brûlées, il est interdit de briser les portes des maisons… ».
Les Chrétiens eux-mêmes, qui avaient craint pour leur vie et s’étaient enfui des régions annexées par le Califat, s’aperçoivent que, de manière générale, Daesh ne persécute pas leur communauté et les laissent libres d’exercer la plupart de leurs activités, sans porter atteinte à leurs propriétés, comme le commande le Coran (les Chrétiens étant considérés comme « impurs », certains métiers leur sont toutefois désormais interdits, comme les professions relatives aux soins de santé ou celles qui concerne la distribution de l’eau courante, par exemple). Les Chrétiens, dont beaucoup s’étaient réfugiés au Kurdistan, commencent dès lors à regagner leurs foyers ; il leur faut cependant payer l’impôt islamique prévu par le Coran à l’intention des Chrétiens et des Juifs.
On a évoqué des profanations d’églises et des destructions de statues de saints et de la Vierge Marie. Mais il s’avère que les églises ont été respectées ; seules les statues visibles dans l’espace public ont été détruites et les croix qui surmontaient les édifices religieux, enlevées ; comme le préconise le Coran, qui, suivant une certaine interprétation du texte, interdit la représentation du visage humain. Les islamistes n’ont donc pas agi dans le but de s’en prendre aux Chrétiens, pas plus qu’aux barbiers, dont ils ont couvert de peinture les devantures où figuraient des photographies de modèles et mannequins.