Qu’attendent-ils ?
Alors que nous rebroussons chemin, pour rejoindre d’autres amis d’Ahmad, qui nous attendent dans une maison de Jolan, une volée d’obus de mortiers nous oblige à quitter la voiture et à nous réfugier dans l’entrée d’un immeuble. Cet imprévu risque de me faire repérer ; mais je me rends très vite compte que personne ne fait attention à moi ; les djihadistes eux-mêmes sont trop occupés à se trouver un abri.
« Tayarat ! Tayarat ! » (« Hélicoptère ! »), je m’avance sur le seuil : j’entends le ronronnement des pales, mais je ne perçois par l’engin, caché par les bancs de fumées qui flottent au-dessus du quartier. Soudainement, un fracas assourdissant et un immense éclair ! Puis un autre ! Je n’ai encore jamais vu ça…
« Des barils d’explosif, me crie Ahmad en m’agrippant par ma chemise pour me tirer en arrière. Ils en balancent comme ça tous les jours, au hasard. Tous les jours ! Sur mon quartier aussi ; sur toute la ville. Pas seulement là où on se bat. Ils remplissent des barils vident avec de la ferraille et de la dynamite. Ça fait d’énormes dégâts où ça tombe. Mais là, ça va… C’est loin. »
L’hélicoptère se rapproche ; son bourdonnement se fait de plus ne plus net. On ne s’éternise pas dans ce piège ; nous repartons, à pied…
Je ne doute pas de la sincérité d’Omar, mais je constate que la concentration de combattants, dans cette ville qui fait face à Bagdad, ne laisse que peu de doute sur les intentions de Daesh. « Depuis une grosse semaine, confirme Ahmad, Fallujah s’est transformée en une grande caserne. Ils sont tous venus ici. »
« Pour attaquer Bagdad ? »
Ahmad hausse les épaules et me fait un sourire navré…
« Ahmad, pourquoi ne pas vous soulever tant qu’il est encore temps et chasser Daesh ? »
« Que faire ? Nous ne pouvons quand même pas donner notre cité à al-Maliki. Je ne suis pas d’accord, ma tribu n’est pas d’accord… Ma tribu s’est opposée à Daesh. Dans un de nos villages, près de Fallujah, à al-Ambria, nous avons refusé qu’ils s’installent… Nous leur avons dit qu’ils ne pouvaient pas entrer. Mais que nous ne laisserions pas non plus passer l’armée d’al-Maliki. Mais Daesh nous a attaqué et a tué vint-trois de nos hommes. C’est un triste Ramadan pour Fallujah… »
Sur le chemin, je constate les destructions ; je prends discrètement quelques clichés… Après la Libye, après la Syrie, je parcours à nouveau les rues d’une ville en ruines…
C’est de cette ville trois fois martyr que pourrait démarrer la grande offensive de Daesh, tant redoutée, en direction de la capitale irakienne.
C’est à Fallujah que pourrait commencer, très prochainement, la bataille pour Bagdad.
De notre envoyé spécial à Fallujah (seul observateur occidental en zone contrôlée par l’État islamique de l’Irak et du Levant)