Maghreb : le véritable état des lieux de l’infiltration sioniste (I)

 

Le Général Amous Yeldin, ex patron d'Aman
Le Général Amous Yeldin, ex patron d’Aman

Par Sami SHERIF

Le quotidien de langue arabe Al Quds Al Arabi, vient de rapporter dans l’une de ses édition du début de ce mois que  lors d’une interview accordée par l’ex-patron du service d’espionnage israélien « Aman » à la chaîne 7 de la télévision israélienne, le général Amos Yadlin aujourd’hui réserviste, a affirmé que les services d’espionnage israéliens, ont pu se constituer des réseaux de collaborateurs dans tout le monde arabe. D’après le journal londonien, cet ancien grand responsable sécuritaire sioniste, a affirmé qu’Israël « dispose au Maroc et en Tunisie, d’agents disséminés à différents niveaux, dans les milieux politiques, économiques, culturels et sociaux ». Il a prétendu que ces agents « peuvent faire la promotion d’Israël  comme ils peuvent provoquer des destructions ». «Nous sommes capable de provoquer et d’exacerber des crises tribales, confessionnelles et des tensions sociales et d’ainsi maintenir ces pays sous pressions internes» a-t-il expliqué. S’il a évoqué nominativement le Maroc, la Tunisie, la Libye et l’Egypte comme pays déjà noyautés par les services d’espionnage sionistes, il n’a pas évoqué le cas d’autres pays arabes.

En ce qui concerne l’Egypte, Amos Yadlin révèle que le Mossad est arrivé à insécuriser l’Egypte et à semer la discorde au sein de la structure de la société et du gouvernement égyptiens. Amos Yadlin, au pouvoir jusqu’en 2012, a déclaré avoir réussi à accomplir avec succès ses missions de liquidation dans les pays arabes. Il a aussi fait allusion aux activités accomplies ces dernières années en Iran. «L’assassinat des scientifiques nucléaires et des responsables iraniens a été fait pour la plupart par le Mossad », a-t-il ajouté. Par ailleurs, le régime sioniste a fourni des armements aux groupes séparatistes, actifs au Soudan du sud, leur a assuré des formations et les a épaulés dans leurs opérations.

Réalités ou prétentions encore enflée d’arrogance à un moment où les responsables israéliens semblent être  emportés par la joie de constater ; après la destruction et la dissolution de l’armée irakienne en 2003, que les deux armées les plus puissantes juxtaposant ses « frontières » (celles de la Syrie et de l’Egypte) s’affaiblissent sous leurs yeux  jusqu’à l’épuisement en affrontant les problèmes de sécurité sur le territoire-même de leur pays respectif ? Telle est la question à laquelle nous essayerons de répondre sans faillir à l’impératif d’objectivité permettant ainsi à nos lecteurs d’avoir une idée claire sur la nature et l’ampleur de la présence des services secrets sionistes dans cette régions devenant avec les événements du « Printemps Arabe » aussi sensible qu’auparavant. 

Ce n’est sûrement pas d’hier que datent les activités des services d’espionnage israéliens dans le monde arabe et en Afrique du Nord. L’on n’attendait pas ce général en retraite pour confirmer expressément ce fait tangible dont on n’a pas cessé de parler depuis fort longtemps. Il est à présent communément admis que ces services se sont toujours arrangés pour se constituer une « capacité à intervenir derrière les lignes de l’ennemi ». Le Premier ministre et l’un des fondateurs du régime sioniste, David Ben Gourion avait tracé les objectifs du Mossad. «Pour notre Etat qui depuis sa création ne cesse d’être assiégé par ses ennemis, le renseignement constitue la première ligne de défense [….] nous devons apprendre à analyser ce qui se passe autour de nous », avait-t-il déclaré le jour de l’investiture du premier patron de cet organisme le 1er avril 1951. Depuis le début de l’occupation de la Palestine, le régime sioniste a chargé le Mossad de collecter et d’analyser les renseignements et d’accomplir les missions secrètes en dehors de la Palestine occupée. 1200 employés travaillaient au début dans le Mossad et l’identité des hauts dirigeants des secteurs intérieurs du Mossad compte parmi les secrets d’Etat mais le nom des dirigeants de cet organisme est toujours annoncé. Les bases du régime sioniste reposent sur l’assassinat,  la violence et l’occupation, et il n’a jamais rendu compte devant aucune instance internationale pour les crimes qu’il a commis. Les révélations d’un haut responsable israélien sur l’espionnage dans le monde musulman n’en sont que le point d’iceberg.

Juste au mois d’avril dernier, le Mossad, a  lancé, via les réseaux sociaux, une vaste campagne de recrutement d’agents dans les pays arabes. Dans ses annonces, le Mossad exigeait des candidats potentiels une parfaite maîtrise des langues arabe et perse, outre l’anglais, et des connaissances ou des diplômes dans des filières précises, comme les technologies de pointe, la chimie, l’infographie et même la psychiatrie. La campagne, qui s’intitulait «Avec pareils ennemis, nous avons besoin d’amis», dirigeait vers le site internet du Mossad et vers une longue liste de métiers dans lesquels l’Institut des renseignements israéliens compte recruter.

Il semble que l’ébullition qui règne dans le monde arabe depuis deux ans est considérée par les responsables sionistes comme étant propice à d’éventuelles infiltration massives de ces pays et la mise en place de plans de déstabilisation d’une région qu’Israël a toujours considérée comme ennemie.

Mais dès le début des années 50, les services spéciaux israéliens se sont intéressés surtout aux pays voisins les plus proches. Ils avaient pu placer l’un de leurs meilleurs agents en Egypte. Wolfgang Lotz, se forgea ainsi au Caire, des amitiés avec des hauts gradés de l’armée et de la police égyptienne, obtenant de cette manière  des informations précises sur les sites de missiles et sur le projet de missiles-fusées développé par des scientifiques allemands. Entre 1962 et 1963, une opération d’intimidation visant les Allemands obtient un grand succès, notamment avec l’élimination de plusieurs responsables clés du projet égyptien.

Avant la guerre des six jours en juin 1967, Israël avait mobilisé des centaines d’espions que ce soit en Egypte ou en Syrie, ce qui lui avait entre autres, facilité la victoire dans une guerre éclaire qu’il avait menée avec une aide massive mais secrète des aviations américaine stationnée à la base de Whylis à l’ouest libyen et britannique décollant des bases de Ben Ghazi et de Chypre. L’affaire qui avait éclaté dans ce pays juste après la catastrophe essuyée par l’armée égyptienne et qui avait révélé que le patron de cette armée le Maréchal et gendre de Nasser Abdelhakim Amer et nombre d’officiers supérieurs égyptiens s’étaient liés à des personnes travaillant pour le Mossad, est significative à cet égard. En  Syrie, la découverte faite en 1970 avec l’aide des officiers et techniciens soviétiques de l’activité de l’espion Ely Cohen, avait révélé l’ampleur de l’infiltration israélienne de l’Etat syrien et de ses rouages. Ayant infiltré les plus hautes sphères du gouvernement syrien, cette taupe hors du commun, passa des informations stratégiques de première importance à son pays pendant des années avant d’être démasqué accidentellement.

S’il est connu depuis fort longtemps qu’Israël a toujours essayé d’espionner tous les Pays arabes ainsi que nombre de pays musulmans représentant une éventuelle menace sur sa sécurité (en l’occurrence l’Iran et le Pakistan), il faudrait retenir à propos de ses activités subversives qu’elles ont toujours été entourées d’une discrétion absolue et qu’elles ont toujours été; lorsqu’elles étaient révélées par la presse ou par les autorités des pays qui en faisaient les frais, infirmées par les responsables israéliens de façon à éloigner les soupçons à leur propos. De surcroît, les medias israéliens sont globalement tenus à une censure de sécurité, et en particulier pour tout ce qui toucherait au Mossad.

Qu’un ex-patron d’Aman sorte à présent pour faire exception à la règle en affirmant que son ancien service d’espionnage a déjà noyauté nombre de pays arabes en Afrique du Nord (Maroc, Tunisie, Libye et Egypte), sans évoquer ce que ce service mijote ailleurs dans le reste du monde arabe et surtout au Golf, cela ne peut-être expliqué que par deux faits tangibles :

                  – d’une part, les services secrets israéliens semblent avoir perdu de leur efficacité ces dernières années, et il fallait camoufler cette régression avec des prétentions extravagantes. Même si seulement les opérations ratées de ces services nous sont révélées, il n’en est pas moins que leur fréquence a augmenté (les services de sécurité égyptiens ont démantelé 7 réseaux israéliens en 1996 alors que dans les 15 dernières années, seulement 20 avaient été mis à jours), conduisant à une vraie crise au sein des services de renseignement israéliens. Ceci est peut-être dû au fait que l’efficacité des services de renseignement étrangers s’est accrue par rapport à leur niveau des années 60, période faste pour l’espionnage israélien alors pionnier en la matière ;

                    – de l’autre, les services de renseignement israéliens veulent brouiller les pistes quant à leurs activités subversives à l’Est, surtout en Syrie où se joue la plus grande bataille pour précipiter son effritement en plusieurs entités et pour ainsi assurer à l’entité sioniste d’être débarrassée d’une sérieuse menace sur son flanc Nord-Est.

Tamir Pardo, patron du Mossad
Tamir Pardo, patron du Mossad

De surcroît, l’activité du Mossad et d’Aman en Afrique du Nord, s’est révélée déjà aux observateurs depuis le début des événements de ce que l’on désigne sous le vocable de « Printemps Arabe ». En effet, les pays arabes du Maghreb ont été témoins d’un nombre croissant de controverses et de scandales concernant des cellules liées à des activités d’espionnage pour le compte d’Israël. Tout a commencé quand un réseau d’informateurs a été démantelé en Mauritanie au début de 2012. Ensuite, le Mossad a fait les manchettes en Algérie et au Maroc dans une série d’articles, de rumeurs et de canulars.

En Tunisie, on commence déjà à rattacher l’activité des snippers embuscadés sur les toits des immeubles au centre de la capitale et qui tiraient sur les manifestants dès les premiers jours de la contestation des tunisiens du régime Ben Ali, à une conspiration anglo-américano-israélienne exécutée par des agents israéliens. L’assassinat des deux leaders de gauche Chokri Bel Aïd, de Brahmi est également attribué par certains milieux à des terroristes travaillant pour le compte du Mossad et du Qatar. Déjà en aout 2012, Abderraouf al-Ayadi, chef du Mouvement Wafa qui s’était séparé du Rassemblement pour la République (RPR), avait provoqué une énorme sensation la semaine dernière quand il a révélé que le Mossad a renforcé ses activités dans la Tunisie postrévolutionnaire. Il avait indiqué que ces activités étaient menées sous la « couverture d’ONG européennes et américaines qui prétendent être caritatives, humanitaires ou culturelles. »

Ceci fait écho à des déclarations antérieures du responsable du Parti des travailleurs tunisiens (POCT auparavant), Hamma al-Hammami, sur les « réseaux d’espionnage israéliens opérant en Tunisie post-révolutionnaire qui profitent de l’état de chaos et d’anarchie qui a balayé le pays après la fuite du président Ben Ali. »

L’information, révélée par Ayadi et Hammami a coïncidé avec un rapport publié en février dernier par le Centre d’études et recherche de Yafa, axé sur les activités du Mossad au Maghreb. Le rapport révèle que le Mossad a commencé à concentrer ses opérations en Tunisie après le départ de l’OLP de Beyrouth et sa relocalisation à Tunis en 1982.

L’intérêt pour la région a diminué après la signature des accords d’Oslo, jusqu’à ce que la révolution tunisienne l’ait ravivé.

Le rapprochement tuniso-israélien de l’après-Oslo a été rendu public par la mise en place en 1996 d’un bureau pour la coopération économique. L’accord comprenait un article secret sur la mise en place « d’un système de coordination de la sécurité entre le Mossad et la Tunisie par Shalom Cohen, un Juif tunisien travaillant dans la section ’Afrique du Nord’ du Mossad israélien. Dans la même année, il est devenu le directeur du bureau des intérêts israéliens en Tunisie. »

Selon le rapport, Cohen a utilisé sa couverture diplomatique pour construire un « réseau du Mossad » basé à Tunis, la capitale, avec des antennes à Sousse et Djerba.

Les informations du centre Yafa sont cohérentes avec celles d’Ayadi, qui dit avoir reçu l’information d’une source de haut rang de la sécurité tunisienne qui signalait la surveillance d’un réseau secret du Mossad « d’environ 300 agents » répartis sur les trois bases d’espionnage précitées./..

A suivre…

Sami Shérif

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