Les sœurs el-Bekri sont les premières Marocaines à traverser le détroit de Gibraltar, de l’Europe jusqu’au Maghreb.
Elles ont réussi un défi sportif, mais aussi symbolique pour prouver
qu’il est possible de faire le chemin inverse en Méditerranée.
Deux jours après cette performance, elles reprennent tranquillement des forces auprès de leurs proches. « Je suis contente que cela soit fini. On travaillait sur ce projet depuis un peu plus d’un an, explique Sara El Bekri à FRANCE 24. En termes d’effort physique, cela peut se comparer à un marathon ! Durant cinq heures dans l’eau, le corps ne fonctionne pas toujours à 100%. Il faut aussi gérer l’aspect mental et les ravitaillements. »
Cette jeune nageuse n’en est pourtant pas à son premier défi. Double championne d’Afrique de natation sur 50 et 100 m brasse, la Casablancaise a déjà participé à deux reprises aux Jeux olympiques, à Pékin en 2008 et à Londre en 2012. Mais après avoir goûté au plus haut niveau à titre personnel, l’étoile de la natation marocaine a voulu construire un projet en famille. « À la fin des JO de Londres, Sara avait décidé de relâcher le rythme. Avec notre plus jeune sœur, on a donc décidé se lancer toutes les trois dans ce défi pour relier les deux continents », résume Fadwa el-Bekri.
« Le chemin inverse est possible »
Même si la benjamine, Mouna, (22 ans), a finalement dû abandonner en milieu de parcours en raison d’un mal de mer, la fratrie n’est pas peu fière d’être entrée dans l’histoire. Pour Sara, il s’agit avant tout d’un message d’espoir à l’attention de ses compatriotes marocaines : « On a voulu montrer que les femmes sont toutes aussi capables que les hommes. Au Maroc, les femmes sont présentes en athlétisme, mais dans les autres sports, cela ne fait pas vraiment partie de leur culture. »
Ces sœurs ont aussi imaginé cette traversée comme un symbole face aux drames que provoque régulièrement l’immigration clandestine. Très choquées par les images de bateaux de fortune qui disparaissent quotidiennement dans la Méditerranée avec des dizaines de migrants, le trio a voulu prouvé qu’il était aussi possible de faire le parcours inverse, de l’Europe jusqu’au Maghreb. « Cela fait toujours la une des journaux au Maroc, alors qu’en France, on n’en parle que quand il y a des drames avec beaucoup de morts comme aujourd’hui à Lampedusa, s’indigne Sara. On connaît des gens, même dans notre entourage, qui sont prêts à tout sacrifier. C’est assez choquant, sachant que derrière il y a aussi tout un trafic. »
Les trois sœurs el-Bekri ont pourtant répondu elles-mêmes à l’appel de l’Europe. Après des études en France, elles sont restées dans l’Hexagone, où elles exercent chacune la profession d’ingénieur. Mais pour elles, il y a une différence très claire entre la coupure radicale d’un départ clandestin et un projet d’immigration construit sur plusieurs années. « On a gardé des attaches. On a beau avoir baigné dans la culture française, nos parents sont ici au Maroc. J’ai aussi toujours nagé sous le maillot marocain. Le fait d’êtres partie en France ne signifie pas avoir délaissé nos racines. Peut-être que nous reviendrons d’ailleurs plus tard avec plus d’atouts pour notre pays », estime ainsi Sara.
En attendant de promouvoir de nouveau leur pays grâce à un autre défi sportif, les sœurs El Bekri vont prendre le temps de récupérer. L’expérience les a en tout cas séduites. Une nouvelle aventure en famille pourrait être programmée. « L’approche est complètement différente par rapport à la compétition où il faut penser au chrono et à la victoire. Là, on est plus concentrées sur le plaisir et on se soutient les unes et les autres », constate Sara.
D’après France24