Maroc : 2014, serait-elle l’année de tous les dangers ?

Le Colonel en retraite Mohamed Mellouki
Le Colonel en retraite Mohamed Mellouki

Par Mohamed MELLOUKI

L’État marocain serait-il en train de mentir au peuple ? Dans mon article de la semaine écoulée sur le Sahara marocain, intitulé : Maroc- La nouvelle stratégie, je disais que si le pays avait passé un mauvais quart d’heure à l’ONU, le 25 avril dernier, il s’en était finalement sorti quelque peu même victorieux. Ne disposant pas des moyens d’investigations d’une agence de presse, je ne pouvais attribuer le répit accordé au Maroc par l’instance onusienne qu’à une Diplomatie nationale opérationnelle qui savait retrousser ses manches et faire preuve d’intelligence, perspicacité et audace dans les grandes causes nationales. Il semble que j’ai bougrement botté en touche, et que j’avais vite cédé au fantasme. Le peuple, bien matraqué médiatiquement, s’est laissé, lui aussi, emporté par la même impression. L’État s’est toujours vanté d’être suffisamment couvert sur ses flans par ses solides alliances officielles et ses réseaux amicaux, pour juguler toute intrigue de la partie adverse, c’est à dire en l’occurrence le tandem Algérie-Polisario. Depuis la dernière session du Conseil de Sécurité, il ne cesse d’attribuer, à travers ses médias et ses laudateurs patentés, le recul américain sur la question des droits de l’homme aux contacts et interventions de ses émissaires au niveau des sphères influentes à Washington et auprès de Mr Ban-Ki-Mon et de son staff.

La réalité des faits semble toute autre. Les nouvelles en provenance de l’ONU sont on ne peut plus alarmantes. Le bruit court, en effet, que le Maroc a été sommé par le Département d’État de négocier avant avril prochain un consensus avec le tandem concerné, sous peine purement et simplement de se voir appliqué le référendum d’autodétermination par la force si besoin en était. Une dépêche attribuée à l’ONU indique que le Représentant spécial du Secrétaire général de cette dernière prendra la responsabilité unique et exclusive des questions relatives au référendum et sera assisté dans sa tâche par du personnel policier et militaire du contingent onusien. L’intéressé, en l’occurrence pour le moment Mr Christopher Ross, est un proche de Mr James Baker le principal défenseur de l’option référendaire d’autodétermination qu’il a fait admettre mordicus comme la seule base juridique en cas d’impasse dans les négociations. En clair, pour ceux qui auraient la vue courte, Mr Ross serait appelé à tenir au Sahara le même rôle que Mrs Jay Garner et Paul Bremer en Irak après l’invasion de ce pays et la chute de Saddam Hossein. Pour plus d’éclaircissement, il sera non moins que l’Administrateur du territoire durant la durée de la préparation et l’exécution du référendum en question.

Le Maroc court le risque de se trouver purement et simplement devant un scénario catastrophique. Alors que l’autre partie joue sur du velours. Il suffit, de toute évidence, à celle-ci de faire traîner les négociations sur encore un an pour pousser à l’enclenchement du processus référendaire d’autodétermination, et évacuer le Maroc par la petite porte. Malheureusement, la participation de la classe politique nationale est purement formelle. La crainte de perte des intérêts et des positions privilégiées sclérose ses ténors dont le souci est de plaire au Pouvoir. Comme sur d’autres dossiers, ce dernier l’instrumente une fois de plus pour l’aligner sur sa propre approche et lui faire applaudir sa vision et sa version des choses. Pour une fois dans l’Histoire du pays, depuis l’Indépendance, leur responsabilité est tout autant engagée que celle de l’État. Ils ne pourront plus prétexter par la suite qu’ils étaient contraints d’aller contre leur propre conviction. Ils doivent se départir de leur propension à la complaisance, regarder de très près dans les coins et recoins du dossier, d’arrêter de se comporter en moutons de Panurge et de se bousculer au portillon du Pouvoir en quête d’une bénédiction politique.

Il est une règle militaire qui recommande à toute armée de ne jamais se surestimer et sous-estimer l’ennemi et qu’il faut toujours considérer celui-ci comme plus intelligent et plus fort, pour planifier sa propre stratégie en conséquence. Notre ennemi réel dans l’affaire du Sahara est bien l’Algérie. Celle-ci pratique une diplomatie machiavélique, actionne des réseaux de soutien et de propagande terribles et dispose de moyens financiers et de pression énormes. Ses accointances à l’ONU, notamment au niveau de la Commission des droits de l’homme sont percutantes. Elle remuera sûrement ciel et terre pour faire mordre la poussière au Maroc. De notre côté, nous devons surtout ne pas céder à la surenchère verbale chauviniste qui sera forcément inopérante dans un contexte qui exige une prise de conscience à la hauteur du danger qui pointe à l’horizon 2014. Le pays est en face d’un gravissime défi qu’il se doit impérativement de relever et dont toute hésitation ou crainte de représailles aura des conséquences mortelles pour la Nation. C’est une question de vie ou de mort pour le régime et la Nation. Il ne faut pas se leurrer ; l’État fait bien face au diktat américain, par ONU interposée, et s’il s’accroche à la prétendue amitié remontant à 1777 entre le sultan Mohamed III et Gorges Washington, il se ‘ fourre’ le doigt dans l’œil. Les Américains planifient leur stratégie en fonction de leurs intérêts immédiats et futurs. Pour cela ils voilent le rétroviseur pour ne pas regarder en arrière. Ils ne se sont pas embarrassés du sort du Shah d’Iran, et tout récemment encore de Moubarak et Ben Ali qui s’étaient pourtant comportés en parfaits vassaux et se sont vu lâchés, il est vrai que c’est bien mérité, comme de vulgaires malpropres, et dans les trois cas au profit des islamistes, leurs ennemis jurés de toujours.

Je réitère ici ce que j’ai suggéré dans l’article précédent diffusé sur Google, reproduit dans sa version arabe par l’hebdomadaire Al Ousboue dans son édition du 2 mai ; à savoir que risque pour risque, l’État marocain est acculé, pour sortir du guet-apens américano-onusien, de repenser sa stratégie et de passer illico à l’application sur le terrain du projet d’autonomie interne. À bon entendeur, salut.

Mohamed Mellouki

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