Monde arabe : le wahhabisme ou la traditionalisation forcée des arabes

Mohamed Ibnou Abdelwahab
Mohamed Ibnou Abdelwahab

Par Sami SHERIF

Depuis son avènement avec l’alliance politique scellée entre le Cheikh Mohamed Ibn Adelwahhab et les Al Saoud, le wahhabisme  « ne cesse de corrompre et de défigurer l’Islam prônant un retour à l’Islam des origines, celui des compagnons du Prophète et des 2 générations qui lui avaient succédé ». Les Al Saoud qui avaient pu créer avec l’aide des anglais une principauté dans le Nejd, l’actuelle région de Riad la capitale, n’avaient devant les Banou Hachim (descendants du compagnon et gendre du Prophète Ali) qui détenaient les clés des lieux saints de la Mecque et de Médine, aucune légitimité pour asseoir leur pouvoir également sur le Hijaz. Il a fallu encore une ruse de la part des anglais pour convaincre les Banou Hachim de céder les deux villes saintes aux wahhabites, espérant que

Le Roi Abdelaziz Al Saoud chantre du wahhabisme
Le Roi Abdelaziz Al Saoud chantre du wahhabisme

les britanniques tiendraient en contrepartie, leur promesse de les aider à constituer un grand Etat arabe regroupant l’Irak et le Cham (l’actuelle Syrie avec la Transjordanie, la Palestine et le Liban). Les Al Saoud se lancèrent alors à la conquête de la péninsule ne s’arrêtant que là où les anglais s’étaient déjà établis en protectorat après avoir chassé les représentants du pouvoir turc (Au Yémen du Sud, Qatar, Bahreïn, Oman et l’actuel territoire des EAU).

C’est au nom de la réforme de l’Islam  « dénaturé » par les turcs et les Banou Hachim  que les Al Saoud agissaient. Leur légitimité, ils l’avaient ainsi construite sur la base d’un projet de « purification » d’un Islam ayant été « défiguré » à travers l’histoire. Le wahhabisme est l’idéologie qui a servi aux Al Saoud pour créer leur grand Etat. Elle leur a servi également pour se perpétuer à sa tête. Elle servit aussi aux anglais pour mettre la main sur les richesses à peine découvertes dans la péninsule arabique. Ceux-ci  y ont vu l’idéologie la plus appropriée pour éloigner les peuples autochtones de toute velléité de participation au pouvoir ou de profiter des richesses de leur pays. Avec leur politique consistant à créer des micro-Etats dans des zones riches en pétrole tout en s’arrangeant pour que la population y soit la moins nombreuse, les britanniques voulaient instrumentaliser le wahhabisme pour que ces populations soient elles-mêmes portées sur d’autre choses plutôt que sur les richesses de leurs territoires.

Muhammad Ali père de l'Egypte moderne
Muhammad Ali père de l’Egypte moderne

Cette idéologie-là était capable à la fois d’assurer un contrôle corporel, spirituel et politique sur les citoyens et d’occuper, de divertir et d’aliéner ces derniers pour les maintenir loin de tout souci terrestre ne pensant qu’en termes mythiques au-delà de toute réalité politique, économique et sociale. C’est le wahhabisme qui a empêché ces peuples d’industrialiser leurs pays respectifs. C’est le wahhabisme qui a dicté à ces monarchies de garder les structures mercantiles de leurs économies. On ne peut pas concevoir l’existence d’une véritable industrie dans un pays où règne le wahhabisme. L’industrie amène son lot de rationalisme et de modernisme qui ne vont nullement avec une idéologie qui oblige les citoyens à abandonner toutes activités pour aller à la prière une fois que les minarets en annoncent l’heure…Les Al Saoud acceptent tout ce qui vient de l’occident sauf l’industrie ! Les quelques usines et ateliers dont ils ont doté le pays, sont installés loin des villes et ne font travailler que des étrangers (cadre anglais ou américains, ils sont 100 milles et main d’œuvre pakistanaise, bengalie, thaïlandaise et philippine atteignant le chiffre de 10 millions). Ils ont horreur avec leurs pairs du Golf de cette industrie porteuse de « malheurs » sous forme de syndicats ouvriers,  de partis politiques et leurs lots de revendications libératrices …

S’ils tiennent aujourd’hui, encouragés dans leur piètre besogne par les occidentaux, à faire propager leur idéologie dans le monde arabe, c’est le mode de vie grégaire qu’elle implique qu’ils veulent exporter dans ces pays réputés être « corrompus » par des dizaines d’années de règne de pouvoirs nationalistes et modernistes. C’est à leur image qu’ils veulent façonner ce monde qui avait entamé; même à pas balbutiants, sa marche vers la renaissance depuis plusieurs dizaines d’années. Leur objectif, c’est de détruire tout ce qui a été accompli depuis Mohamed Ali en Egypte à la fin du XIXème siècle. Ils ont aidé l’occident à détruire l’Irak pour en faire un ensemble complètement désarticulé. Ils participent activement à remodeler par la force la Syrie pour la faire éclater en une multitude d’Emirats islamistes. Ils font pression pour qu’en Egypte, en Libye et en Tunisie les luttes politiques s’orientent dans leur exaspération vers des guerres civiles finissant par l’éclatement de leurs Etats. 

Nous publions ci-dessous, un texte des plus intéressants, émanant de l’anthropologue tunisien en exile Salem Ben Ammar qui y décrit ce processus facilitant au wahhabisme de devenir la nouvelle religion de tous les musulmans et menaçant ainsi les sociétés arabes de perdre l’essentiel de ce qu’elles ont comme idéaux saints et efficients qu’elles doivent abandonner de force au profit d’un nihilisme dégradant et abrutissant, faisant  ainsi d’elles de simples amas de foules vivant dans l’irrationnel et détruisant  leurs rêves initiaux de continuer le chemin de la modernité dans le sillage des pays européens évoluées avec l’espoir  de pouvoir les rattraper un jour.      

Le wahabisme risque fort bien de devenir  la nouvelle religion des musulmans

Par Salem BEN AMMAR

Si l’on veut prendre au piège les islamistes dans leur propre jeu, déjouer leur complot fomenté contre la religion musulmane, dénoncer leur supercherie théologique, ce n’est pas en les laissant labourer à leur guise le terrain de l’Islam et mener en toute liberté des campagnes scélérates contre le Prophète de l’Islam et la religion musulmane elle-même.

Il n’y a pas pires ennemis de l’Islam que les islamistes héritiers de l’anthropomorphe et apostat Ibn Taymya, maître à penser de Mohamed Ibn Adelwahhab fondateur du sectarisme wahhabite, fléau mortel pour la religion musulmane. Depuis son avènement en 1745, il ne cesse de corrompre et de défigurer l’Islam prônant un retour à l’Islam des origines. Celui des compagnons du Prophète et des 2 générations qui lui succèdent. Une vision réactionnaire de l’Islam, négatrice des Hadiths, qui n’est pas sans rappeler les courants fondamentalistes chrétiens telle que l’Eglise mormone appelée l’Eglise de « Jésus-Christ des Saints des Derniers jours » ou les ultra-orthodoxes juifs des Haredim, les « Craignant-Dieu ».Mais à la différence des fondamentalistes juifs et chrétiens, le wahhabisme tout en combinant les pouvoirs religieux, politiques et financiers, dispose de milices armées constituées de djihadistes ultra-violents à l’origine directe des attentats terroristes qui secouent la communauté internationale depuis le premier attentat de 1993 du World Trade Center. A se demander même si l’aversion qu’il voue à aux gens de la Maison du Prophète (ahlu al Beit) et aux Hadiths, les paroles du prophète, qu’ils jugent apocryphes afin d’interdire toute critique à leurs assertions théologiques, n’est pas le seul moteur de leurs velléités terroristes. En effet, la fin justifie les moyens, pour les wahhabites qui sont à la fois une organisation mafieuse à caractère théocratique, raciste et xénophobe, et un mouvement sectaire politico-religieux, proche du modèle nazi, rien ne doit s’opposer à leur action politique. Seule prévaut la Raison d’Etat qui n’a pas à s’embarrasser d’humanisme, ni du Coran ni de la Tradition du Prophète. Rejetant par ailleurs les évocations des Saints musulmans et toute intercession du Prophète dont il avait détruit la maison natale, reconstruite par la suite.

Etroitement lié au salafisme, le wahhabisme qui se veut un Islam ultra-rigoriste et puritain ne connaît de la vertu que la transgression de l’interdit. C’est le culte de la dévotion au vice et de la répression de la vertu. Une doctrine synonyme de purgatoire pour les libertés humaines les plus élémentaires qui instrumentalise la religion musulmane à des fins messianiques, cosmiques, hégémoniques et totalitaires. Grâce à sa puissance financière, elle se propage partout dans le monde musulman ainsi qu’Occident. Bénéficiant de complicité et de bienveillance de la part de certains gouvernements occidentaux comme le président-sortant Sarkozy qui louait les vertus du wahhabisme et les progrès qu’il aurait apporté à la femme saoudienne. Une femme qui aurait peut-être choisi l’univers carcéral du Goulag que le bagne sociétal saoudien. Le sectarisme wahhabite est pour notre époque ce que fut le nazisme en son temps, il ne doit y avoir aucune complaisance ni mansuétude à son égard. Comme, il n’y a pas plus irresponsable que cette apathie coupable dont font preuve les musulmans face au prosélytisme agressif et négateur des islamistes.

Tout indique que l’inculture des masses musulmanes est la meilleure alliée du wahhabisme. Elles (les masses musulmanes) y adhèrent sans se rendre compte qu’elles sont en train de creuser leurs propres tombes et surtout participer à la mise à mort de l’Islam. Elles sont impuissantes comme tétanisées par la main mise des wahhabites sur l’Islam grâce aux gigantesques moyens de propagande dont ils disposent. Les télécoranistes wahhabites sont devenus, grâce aux chaînes satellitaires telles que les chaînes Iqra et Al-Jazira, de nouveaux prophètes de l’islamisme triomphant.

Endoctrinant, embrigadant et formatant les masses musulmanes en chaîne, l’islamisme est pour les pays musulmans, ce que les usines sont pour la Chine. Quand l’un produit un nouvel islamiste, l’autre produit un composant électronique pour les téléphones mobiles. Tant que la chaîne de fabrication tourne à pleine cadence et continue d’inonder le marché de la foi de nouveaux wahhabites, cela ne peut que réjouir et flatter l’orgueil musulman. Grâce à l’hyper-activisme des islamistes, tous les musulmans sont unanimes de reconnaître que l’Islam gagne du terrain. Comme si la force intellectuelle d’une religion se compte au nombre de ses adeptes. On n’est pas les meilleurs parce qu’on est les plus nombreux, ou comme si l’intelligence d’un peuple est proportionnelle à son poids démographique.

David et Goliath, les Juifs et les Arabes sont des exemples à méditer pour les musulmans. Gagner de nouveaux adeptes est illusoire et abstrait, ce qui l’est moins c’est de gagner des parts de marché dans la compétition mondiale du savoir et de l’intelligence comme l’avait vivement recommandé le Prophète. Le vrai danger pour la religion musulmane est le figisme pathologique et la réaction dans lesquels les islamistes sont justement en train d’enfermer les musulmans, les dépouillant de toute volonté propre. L’Islam n’est pas une addition de statues et de momies fanatisées et lobotomisées capables de se muer en bombes humaines pour la gloire de Dieu afin de s’attirer ses bonnes grâces.

Le prophète voulait faire de l’Islam une religion d’action en faveur du progrès humain et la quête du savoir, les islamistes veulent vider l’Islam de sa substance dogmatique et spirituelle pour en faire une idéologie d’inaction et de régression. Les musulmans en se laissant détourner soit par ignorance, soit par indifférence soit tout simplement par complicité, ne sont pas conscients des torts qu’ils occasionnent à leur religion. Installer des illuminés sur la première marche du podium revient à commettre un parjure à l’enseignement du Prophète. En effet, ce dernier n’a jamais manqué de son vivant de mettre en garde les croyants contre les immodérés de la religion incompatibles avec l’esprit pondéré de son Message. De même qu’il est clairement stipulé aux musulmans qu’il n’y aura plus d’autre transmetteur du Message après le Prophète.

Or, en laissant les islamistes s’autoproclamer guides vénérés et porte-paroles de l’Islam, les musulmans se comportent comme des infidèles au Message. Ni nouveaux messagers, ni nouveaux transmetteurs, seul guide pour les Musulmans est le Coran comme l’a enseigné le Prophète. Toutes les mises en garde du prophète sont restées lettre morte, ainsi les musulmans ont laissé la porte ouverte à la contamination du Message par l’islamisme, une idéologie sectaire et schismatique. La gangrène islamiste corrompt le corps musulman à tout va et en toute impunité sans que cela ne suscite la moindre campagne d’éradication de ce fléau vénérien. Au lieu de mettre en quarantaine la pandémie mortelle qui frappe les sociétés musulmanes propagée par une foultitude d’agents propagandistes sous les ordres du philo-nazi et antisémite patenté le psychopathe Al Qaradhaoui, affilié à l’internationale terroriste, les musulmans ont fait le choix criminel de laisser les islamistes s’ériger en maîtres de l’échiquier politique et spirituel de leurs pays.

Forts de l’adhésion implicite et explicite à leur idéologie scélérate, les islamistes ont les coudées franches pour s’adonner à leur politique de dévoiement et d’instrumentalisation pour assouvir leurs desseins hégémoniques sur les sociétés musulmanes. Les musulmans sans s’en rendre compte prennent un chemin qui va les conduire tout droit dans les limbes de l’histoire, qu’ont-ils fait du legs du Prophète ? Savent-ils au moins que le Prophète n’a pas désigné de légataire testamentaire attitré ? Du fait qu’il avait fait de l’ensemble des musulmans sans exclusive ses vrais et authentiques légataires. Comment peut-on se résoudre à accepter qu’un terroriste comme R. Ghannouchi se proclame l’élu d’Allah (habib Allah) sans que cela ne heurte et n’émeuve la conscience musulmane ?

Paradoxalement les musulmans se gardent de réagir aux offenses faites par les islamistes à la religion et ce sont ceux-là mêmes qui l’offensent qui se font les défenseurs. Comme si rehausser le ton et condamner les tentatives de colonisation de l’Islam par l’islamisme est une apostasie, alors que l’apostasie est leur silence complice face aux actes de profanation de l’Islam commis par les cavaliers noirs de l’apocalypse. Ce sont les musulmans eux-mêmes qui font le lit aux islamistes, qui vont leur baliser un retour un chemin truffé d’orties empoisonnées et de ronces acérées. Il n’y a pas meilleurs alliés des islamistes aujourd’hui que la majorité silencieuse musulmane ou ceux qui apportent de l’eau au moulin nauséabond et pollué des islamistes en s’installant dans une posture antimusulmane. Ils oublient que l’imposture islamiste prospère sur la stigmatisation de l’Islam.

En toute évidence, si l’on ne veut pas que l’islamisme continue à répandre son poison, il faut lui couper l’herbe sous les pieds et cesser d’alimenter son fonds de commerce. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise religion, il y a la dimension spirituelle qui s’y attache qui exige respect et considération. Nul n’est en droit de se livrer à des critiques infondées et éhontées qui ne font que radicaliser et froisser les croyants. C’est pourquoi, il convient de rappeler aux pseudos modernistes et libéraux de tout poils, les dénigreurs et pourfendeurs de l’Islam qu’ils sont les vrais alliés objectifs des islamistes.

Chaque critique portée contre l’Islam et son Prophète amène un nouvel adepte pour le sectarisme islamiste. Ce n’est pas en jetant l’opprobre sur l’Islam et les musulmans que l’on arrivera à éradiquer pas cette peste, agent pollueur de l’islam et de la vie des musulmans. Seule une réappropriation massive du champ de la foi et des espaces du culte constitue l’unique alternative possible pour enrayer l’offensive scélérate menée par le sectarisme wahhabite contre l’Islam. Il faut un Islam de raison contre cette passion hystérique et psychotique qui mine les fondations de l’Islam, sinon, il n’y aura plus ni Islam ni musulmans, ce sera islamisme et islamistes !

Salem Ben Ammar

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