Par Salem BENAMMAR
La mort de Cheikh Mohamed Ramadhan al Bouti, paix à son âme, est la mort d’un islam à visage humain. Celui auquel les wahhabites mènent une véritable croisade depuis une trentaine d’années, proclamant la Syrie comme une nouvelle terre du djihad.
En l’assassinant, on a assassiné l’une des figures les plus remarquables de l’islam du neutralisme politique, un islam humaniste, respectueux de la diversité et du droit à la différence. En le tuant, on a voulu étouffer la voix des promoteurs de l’islam des lumières. Un islam rationalise et pragmatique, capable de s’adapter aux exigences du monde contemporain.
Cet islam contextualisé, expression de la raison humaine, où le sacré n’a pas force de loi absolue et seul facteur déterminant des rapports sociaux et politiques.
Adepte d’un islam du libre-arbitre et des libertés humaines et politiques sans la main mise oppressante et étouffante de la foi sur la vie des hommes. Sa lecture novatrice et apaisée de l’islam à l’image de celle de Mohamed
Talbi, lui vaut d’être l’ennemi à abattre pour les musulmans sunnites adeptes de l’islam essentialiste tel que le promet Qaradhaoui, le pape du terrorisme fondamentaliste sunnite, et véritable commanditaire de son meurtre.
Un homme mort pour ses idées, celle de la séparation des pouvoirs et d’un Etat libre du pouvoir religieux, apprécié par la majorité des syriens dans toutes ses composantes ethniques et religieuses pour son grand esprit de tolérance et sa grande honnêteté intellectuelle. Il était un exemple vivant de l’islam de paix et du bien-vivre ensemble. Par ce crime où l’on a atteint les sommets de la barbarie humaine, on veut adresser un message à des hommes comme Mohamed Talbi et tant d’autres qui se battent pour une autre voie possible de l’islam qui prônent la ré émergence d’un islam laissé à l’abandon depuis la fin du mu’atazilas au XI ème siècle.
Sortir l’islam des textes essentialistes cher à Tarek Ramadhan et le libérer des contraintes dogmatiques inadaptées et apocryphes et historiographiques de l’islam. Un homme qui s’est battu toute sa vie pour illuminer l’islam par une pensée platonicienne, a été abattu par les tenants de l’islam du monde des ténèbres, celui qu’on propage à une vitesse-éclair dans les pays arabes.
Les forces wahhabo-obscurantistes ont peut-être tués un homme. Mais elles n’ont ni tué les vraies valeurs de l’islam qui l’irriguaient ni les idées avant-gardistes et modernistes qui le nourrissaient dont il n’était jamais repues.
L’islam pacifiste, progressiste et républicain qu’il incarnait continuera à prospérer tant qu’il y a des hommes comme lui et Mohamed Talbi.
Salem Benammar