Par Salem BENAMMAR
Les vrais dessous de la démission du chef de l’opposition syrienne : un double désaveu pour le Qatar et la diplomatie pro wahhabite franco-britannique.
La belle unité de façade de la « coalition » syrienne — qui est plutôt une cabale diabolique multilatérale qui n’est pas sans rappeler la guerre néo coloniale de Suez pour faire de la Syrie une tombe pour son peuple, connu pour sa mosaïque ethnique et religieuse harmonieuse, son art de vivre et sa tolérance — vient de voler en éclats avec la démission d’Ahmed Moez el Khatib au lendemain de « l’élection » (par 45 personnes, en Turquie) d’un pantin issu des frères musulmans imposé par le Qatar qui se verrait maître d’une éventuelle Syrie post-Bachar el Assad.
Sa démission n’est pas seulement un désaveu sans équivoque de la mainmise du Qatar sur l’opposition syrienne, elle illustre aussi, et de belle manière, le fait que la rébellion syrienne n’est représentative en rien des aspirations démocratiques du peuple syrien. Elle est le fruit d’un plan machiavélique conçu et mis en scène par l’axe du mal turco-wahhabite sous la houlette de la Maison Blanche. Maison Blanche qui, elle-même, est en train de revoir sa stratégie initiale qui s’avérerait suicidaire pour Israël, lequel risque de se trouver pris dans un étau de sanctuaires djihadistes. Pires que des champs de mines anti-personnelles et autant d’obus à ogives nucléaires pour Israël et l’Europe elle-même.
En effet, les Étasuniens, qui semblent mesurer aujourd’hui la gravité de la situation et les inconséquences de leur choix initial — à moins que le plan inavoué de leur politique ne soit atteint et soit l’affaiblissement des capacités militaires de la Syrie — sont en train d’opérer une volte-face : ils refusent de lever l’embargo sur les armes à destination des pseudos rebelles infiltrés massivement par des djihadistes venus de plus de 60 pays et roulant, en ce qui concerne les salafistes, pour les intérêts de l’Arabie Séoudite et, en ce qui concerne les frères musulmans, pour le Qatar.
La rébellion syrienne vient de perdre toute sa substance politique ainsi que son supposé caractère syrien. Plus personne, ni les E.U., ni l’Union Européenne, ni Merkel n’est dupe (sauf la France et la G.B.) : la rébellion syrienne est instrumentalisée par la Turquie, le Qatar et l’Arabie Saoudite qui s’ingénient, chacun de son côté, à la mettre sous leur coupe. Peut-être que la démission fracassante d’Ahmed Moez el Khatib, leader historique de l’opposition syrienne pourrait amener la France et la G.B. à corriger le tir.
Une opposition devenue un nid de terroristes appartenant à la multinationale djihadiste a-elle encore une quelconque légitimité politique après la démission de son chef ? Conscient qu’il ne doit plus continuer à apporter sa caution politique à une agression contre son peuple et se rendre ainsi complice de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, Ahmed al Khatib a préféré briser cette unité de façade plutôt que de trahir la cause de son peuple.
Liberté, démocratie, dignité, sécurité et indépendance tels sont les mots d’ordre du rêve syrien, et non pas l’instauration d’un régime liberticide, despotique et théocratique dont le but serait le nettoyage religieux et ethnique de la Syrie.
La démission d’Ahmed Moez el Khatib est un pavé jeté dans la marre des diplomaties française et britannique. Une gifle dont plus personne ne doit nier l’évidence.
Le monde entier doit reconnaître enfin, après cette démission, que l’opposition syrienne a perdu tout pouvoir de contrôle sur la direction politique et militaire des opérations.
Elle apporte un témoignage des plus cinglants sur la nationalité des vrais maîtres d’œuvre de la pseudo rébellion syrienne.
En démissionnant, Ahmed Moez el Khatib lève le voile sur la mainmise du nouvel axe du mal turco-qataro-saoudien qui a dévoyé la cause syrienne, prenant en otage l’opposition comme le peuple syrien dans un jeu de roulette russe. Jeu auquel il s’adonne depuis plus de deux ans et dont le but est de plonger le pays dans un état de chaos indescriptible en vue de son partage en trois zones d’influence : turque, qatarienne et saoudienne.
Oubliant au passage que leur stratégie criminelle est contraire au droit international et qu’elle constitue une arme à double tranchant susceptible d’aboutir à la création d’un nouvelle Somalie au cœur du Proche-Orient et de transformer la région en une constellation de micro-émirats islamiques dirigés par des djihadistes tout heureux de profiter de l’aubaine syrienne pour partir à l’attaque d’Israël, qui est leur but final et la toile de fond de leur engagement en Syrie.
La démission d’Ahmed Moez el Khatibi est lourde de sens politique. Elle va au-delà d’une banale manifestation d’hostilité, d’un geste de mauvaise humeur. Elle est un avertissement, une mise en garde contre le spectre djihadiste qui menace non seulement la sécurité intérieure de la Syrie, son unité et son devenir humain, mais aussi la paix et la sécurité dans le monde. Elle met à nu la nocivité du bellicisme wahhabite et son appétit expansionniste et sa collusion avec la Turquie islamiste, auquel ils ne veut plus servir de faire-valoir, ni contribuer à leurs desseins hégémoniques aux dépens de son peuple.
C’est certainement là que réside le vrai motif de sa démission, comme il l’affirme lui-même : « j’ai fait une promesse à notre peuple que je démissionnerais si une ligne rouge était franchie. Aujourd’hui j’honore ma promesse »
Est-ce que la France et la G.B. vont enfin faire preuve de lucidité et de discernement et cesser d’apporter leur soutien au terrorisme djihadiste en Syrie ?
Le vrai sens du message d’Ahmed Moez el Khatibi est qu’un tsunami se profile à l’horizon syrien n’épargnant aucun pays arabe ni Israël en cas de chute de Bachar al Assad.
Salem Benammar