Maroc : les femmes sahraouies constituent une véritable avant-garde de l’émancipation

Quand le droit tribal prime sur le droit d’Etat

Du coup, nos trois amies sourient franchement quand on leur parle de la réforme de la Moudawana, visant à rendre effective l’égalité entres sexes, énoncée dans la constitution. « Dans notre société, la Moudawana n’a jamais été appliquée, ce sont les lois tribales qui prévalent » précise d’emblée Elazza Likhili. C’est sans doute ce qui explique que les concepteurs du nouveau texte se sont largement inspirés des propositions formulées par la section de l’UNFM des provinces du sud.

C’est la femme qui prend époux

A titre d’exemple, depuis toujours, la femme sahraouie est consultée pour son mariage, c’est elle qui « prend époux ». L’expression est d’autant plus explicite qu’il existe, selon l’anthropologue Mohamed Naïmi, des « tribus donatrices » de femmes. Ce qui signifie, non pas que l’on « donne » une femme à la tribu du mari mais qu’au contraire, le mariage permet de « prendre » l’homme à la tribu en question, renforçant ainsi le poids de celle dont est issue la future mariée. Pour Naïmi, les « tribus donatrices » sont celles qui dominent économiquement. Plus intimement, la tradition veut que les deux époux se vouent une vie de respect ou une séparation à l’amiable.

Pas de communauté de biens dans le mariage

D’ailleurs, en cas de divorce, la femme emporte tout : tant les biens légués par son père au moment du mariage (c’est lui qui achète tout pour que sa progéniture n’ait rien à devoir à son époux) que ceux que lui aura achetés son mari pendant l’union. La tradition veut que l’homme ajoute encore des biens pour garder de bonnes relations avec la famille de son ex-femme.

Le divorce, une simple formalité  tribale

Du coup, il est aisé de concevoir que le divorce, véritable chemin de croix des Marocaines du Dakhil, n’a jamais été vécu comme tel par nos sahraouies. D’autant qu’au sud, le moment pénible passé devant les tribunaux de famille ne représente qu’une simple formalité. « Les problèmes se règlent au sein de la tribu. Nous allons au tribunal juste pour le tampon. Il est honteux pour un homme de pousser sa femme à se présenter devant un juge pour réclamer ses droits ou ceux de ses enfants. Ces derniers sont d’ailleurs automatiquement pris en charge par la famille » ajoute B. Daoudi.

Pas de polygamie

Et la polygamie dans tout ça ? Un extra-terrestre. Le contrat de mariage des Sahraouies comprend depuis des décennies une clause stipulant que « la sabiqa wa la lahiqa, wa ida tamma dalika fa amrouha biyadiha », ce qui signifie approximativement, « ni précédente, ni suivante et si cela se passe, c’est à la femme de décider de son sort ». Voilà qui est clair.

Bouleversés par l’administration sédentaire

Lumineuse également, la conclusion de Mohamed Naïmi précisant que « les tribus sahraouies ont connu un bouleversement radical avec l’arrivée de l’administration marocaine et la sédentarisation forcée. Reste que la dimension nomade est enracinée… et non l’inverse ». Un enracinement tel, qu’il a permis le maintien d’une indéniable construction symbolique, centrée autour de la femme, pilier de la famille, de la tente, de la tribu, de l’univers.

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