Par Sami SHERIF
Depuis l’avènement du Président Morsi et son gouvernement contrôlé par ses amis islamistes du Mouvement des Frères Musulmans, les choses ne cessent de se compliquer dans ce pays fragilisé par deux ans de révolution inachevée. Ce samedi 26 janvier, ce sont au moins trente deux personnes qui ont été tuées et plus de 350 blessées lors de violences meurtrières dans la ville égyptienne de Port-Saïd. L’émeute a commencé dans cette ville par les familles de détenus dont 21 personnes ont été condamnés à mort pour leur implication dans des échauffourées ayant suivi un match de football en 2012. Elle s’est propagée par la suite dans toutes les villes du nord-est. L’armée s’est vue obligée d’y intervenir et s’est déployée pour « rétablir le calme ».
Les trente années de dictature de Moubarak sont venues à bout des industries construites avec acharnement par feu Nasser et léguées au potentat, créant par leur défrichement un niveau de chômage que l’Égypte n’en a
jamais connu de semblable, et ce, dans toutes les villes du pays, surtout celles proches du Canal. Autrefois prospères et riches, ces villes se sont paupérisées et ne garde plus rien des avantages dont elles bénéficiaient. Il a fallu un verdict assez sévère pour des supporters de deux équipes en compétition de foot-bal pour que des heurts violents éclatent opposant des hordes de jeune citoyens éprouvant du ressentiment, aux forces de l’ordre. Aujourd’hui, il ne reste pratiquement plus rien de ce privilège rogné par les gouvernements successifs. Désormais, les villes juxtaposant le canal sont désignées du doigt comme ville infréquentables.
Décidément, les frères musulmans tirent l’Égypte vers le bas. Le verdict incriminé pour être la goute qui a fait déborder le vase à Port-Saïd est pris par les habitants comme une sentence ne devant pas être dure à ce point en frappant de simples supporters à la peine capitale alors que les services de sécurité endossent une part non négligeable dans les évènement du stade où 72 personnes avaient trouvé la mort suite à des heurts violents entre supporters d’équipes différentes. A travers la sentence du tribunal, les habitants de la cité ont
le sentiment qu’ils ont été les boucs émissaires d’une tentative des Frères musulmans pour amadouer les supporters du club Al-Ahly. Les Ultras, supporters du club le plus populaire d’Égypte soutiennent traditionnellement l’opposition. Le verdict est pris donc comme une sorte de récompense de ce club pour que ses supporters ne se retournent pas; une fois encore du côté de l’opposition.
Avec ces évènement sanglants qui ont nécessité l’état d’urgence dans certaines préfectures et l’état de l’économie nationale qui ne cesse de sombrer dans la récession, l’Égypte semble s’engouffrer dans la crise sur tous les plans y compris au niveau politique qui augure d’une véritable rentrée dans la phase de l’incertaine stabilité politique. Le représentant du Front du Salut National composé des libéraux, des nationalistes et de la gauche socialiste et radicale, Mr. Bradai vient de rejeter l’offre de dialogue faite par le Président Morsi et l’a rendu responsable de ces évènements sanglants. « Nous refusons de coopérer avec ce président tant qu’il n’a pas formé un gouvernement national et tant qu’il n’a pas procédé aux mesures requises pour sortir de la crise politique qu’il a lui-même amenée avec la constitution qu’il a fait passer en dépit de son caractère inapproprié », a – t – il matraqué lors d’une conférence de presse conjointe qu’il a organisée le 28 janvier en présence des grandes figures de l’opposition au siège du Parti Al Wafd au Caire. Cette crise politique profonde risque de se prolonger puisque l’opposition se refuse à une participation aux législatives programmées pour le mois de juin prochain.
Tous les observateurs sont unanimes sur le caractère dangereux de la situation politique dans ce pays. La division profonde de l’opinion publique et de la classe politique risque fort bien de pousser vers la guerre civile dont les premiers signes avant-coureurs sont perceptibles, puisqu’on tire déjà à balles sur les forces de l’ordre…
De l’avis de certains commentateurs, l’Égypte n’a pas réussi sa révolution dont les seuls bénéficiaires sont les frères musulmans qui tiennent à s’accaparer tous les pouvoirs sous le prétexte qu’ils y ont été consacrés par l’ensemble du peuple souverain à travers des élections libres. Bien plus, elle semble reléguer son rendez-vous avec l’histoire pour s’assurer un passage à un véritable régime démocratique et représentatif des espérances du peuple égyptien. La renaissance qu’elle avait entamée déjà au début du XIX ème siècle, avant-même la Turquie, semble être stoppée par la prise du pouvoir par les islamistes, ayant déjà dans le passé, gêné la marche du pays vers la modernité.
Sami Shérif