Comment en sortir?
Une feuille de route claire associant les oppositions interne et externe autour de buts communs est le seul moyen d’avancer ; c’est un filet de sécurité pour la Syrie. Pour cela, il s’agit de compter non plus sur la communauté internationale de façon désordonnée, mais d’abord sur nos propres moyens. C’est seulement après cette phase que les différents intervenants internationaux pourront être mobilisés d’une manière plus efficace. Je pense que le peuple syrien est capable de se libérer par lui-même ; nous ne voulons pas être libérés ni par la France ni par les Etats-Unis.
Comment pensez-vous vous libérer?
L’Armée syrienne libre [ASL], dès lors qu’elle sera organisée et centralisée de façon plus efficace, sera à même de voler vers la victoire. En tant qu’officier, je sais de quoi je parle. L’ASL doit recevoir les moyens nécessaires et elle prendra le dessus. Son but est la chute du régime et l’aboutissement à un pouvoir civil protégé par l’armée syrienne de demain.
Faut-il l’aider en lui envoyant des armes?
Oui, tout à fait. Je sais qu’il y a des dérives au sein de l’ASL qui ne sont pas acceptables. Mais si on l’équipe davantage et si on lui donne des objectifs stratégiques, elle parviendra à rester concentrée sur le combat militaire contre l’adversaire. Par exemple, elle doit cesser de s’engager dans des batailles perdues d’avance pour préférer des terrains où elle peut surprendre et marquer son avantage. Car la chute du régime n’est pas une possibilité ; c’est une certitude.
Assad est-il susceptible de recourir à ses stocks d’armes chimiques?
S’il est acculé, il le fera.
Confirmez-vous que la France a joué un grand rôle dans votre exfiltration de Syrie?
C’est vrai, les services français m’ont aidé à sortir de Syrie. Je les en remercie du fond du coeur. Depuis le début de l’insurrection, la France a aidé et soutenu le peuple syrien grâce à l’action de Nicolas Sarkozy, puis à celle de François Hollande, qui a continué dans la même voie. La France a donné au monde une révolution et j’espère que la révolution syrienne s’inspirera de ses principes. J’ai fait défection au régime dès le commencement de la révolution, j’ai rencontré les insurgés et j’ai mesuré combien le régime mentait à tout le monde. C’est pourquoi j’ai coupé tout contact officiel et suis resté pendant des mois enfermé dans mon bureau. La main de Dieu m’a alors permis de quitter mon pays. Il y avait plusieurs possibilités d’exil, mais tous ces itinéraires étaient dangereux. C’est la France qui m’a aidé, à partir de Damas jusqu’à Paris, et plusieurs relais sont intervenus dans une chaîne très efficace. Je me suis rendu compte que beaucoup m’ont tendu la main, sans craindre pour leur vie. C’est une leçon dont je retiens la grande noblesse du peuple syrien. Malgré toutes les menaces que j’ai subies, je n’ai pas eu peur, car je me sens pleinement mobilisé par la révolution en cours. La Syrie doit continuer à vivre, la Syrie libre doit continuer le combat, afin que Bachar el-Assad cesse de l’humilier.
Bachar est-il le grand coupable ou la simple marionnette d’un clan puissant?
C’est tout un groupe qui contrôle le système. Il est difficile d’établir clairement le rôle que chacun tient : la famille, bien sûr, mais aussi d’autres figures ne visent que leurs intérêts. Il reste que Bachar el-Assad n’écoute personne d’autre que son entourage direct, c’est un homme qui n’a pas hésité à massacrer son propre peuple. Assad est un tyran, un dictateur prisonnier de son premier cercle.
Chahid Bendriss