Par Chahid Bendriss
C’est l’automne à New York, le temps de l’assemblée générale annuelle de l’ONU, et Mahmoud Ahmadinejad est de sortie dans la capitale culturelle américaine. Il prendra la parole devant l’assemblée mercredi. En attendant, il multiplie les interviews avec la presse : c’est là son dernier round de provocation new-yorkaise avant la fin de son mandat, en juin 2013, un exercice qu’il affectionne.
M. Ahmadinejad a parlé avec le Washington Post dimanche (lien vers le script intégral de l’interview, en anglais), et s’est rendu sur un plateau de CNN. L’interview a été diffusée lundi, après que M. Ahmadinejad eût convoqué quelques douzaines de reporters à l’hôtel Warwick, sur la 54e rue, en plein coeur de Manhattan, à l’heure du petit-déjeuner. La couverture de presse est variée : sur Google News, mardi matin, pas un titre ne se ressemble, aucune ligne claire ne se dégage. M. Ahmadinejad, aujourd’hui très affaibli à Téhéran, a parlé d’Israël et de sa disparition à venir, selon lui, dans les limbes de l’histoire, d’une éventuelle guerre avec Israël, de la Syrie, du droit des homosexuels, d’énergie nucléaire, du film islamophobe « L’innocence des musulmans » et de Salman Rushdie. En Iran, ces prises de parole ont été largement recouvertes par la nouvelle de l’emprisonnement du fils de l’ancien président Rafsandjani, de retour à Téhéran après deux ans d’exil à Londres. Voire notre note du jour : Les enfants de l’ancien président iranien Rafsandjani emprisonnés.
Sur l’éventualité d’une attaque israélienne :
« Au fond, nous ne prenons pas les menaces des sionistes au sérieux ». « Nous pensons qu’ils se voient dans une impasse et qu’ils cherchent à s’engager dans de nouvelles aventures, afin de sortir de cette impasse… Je ne pense pas que cela ait une grande importance. Mais si un tel évènement survenait [une guerre avec l’Iran], tous les équilibres de la région seraient profondément modifiés. » (The New Yorker)
« Quand nous disons [qu’Israël doit être] effacé, nous disons que l’occupation [en Palestine] doit être effacée de la surface de ce monde. Que ceux qui cherchent la guerre doivent être effacés et éradiqués, que les assassinats de femmes et d’enfants doivent être effacés. Et nous proposons un chemin. Cette voie, c’est la reconnaissance du droit des Palestiniens à se gouverner eux-mêmes. » (en réponse à la question de CNN : Israël doit-il être « effacé » de la carte.)
Sur la « ligne rouge« demandée à grand bruit par Benjamin Netanyahu à Barack Obama, qui fixerait un seuil à l’avancée du programme nucléaire iranien au delà duquel une attaque militaire serait prévue et annoncée :
« Qui doit déterminer ce que le gouvernement américain doit faire? Sont-ce les sionistes? Le gouvernement américain doit-il prendre de telles décisions, vitales, sous l’influence des sionistes? » L’insistance de M. Netanyahu, dit-il « devrait être vue comme une terrible insulte et prise comme telle par le peuple des Etats-Unis. Qui sont ces sionistes pour imposer leurs vues aux Etats-Unis? » (CNN)
Sur le dossier nucléaire :
« L’expérience montre que les décisions importantes, les décisions clés, ne sont pas prises aux Etats-Unis dans la période conduisant à l’élection. » (Washington Post)
« “Tout le monde sait que l’Iran ne cherche pas à se doter de la bombe. Ce débat ressemble à un show humoristique. Ceux- qui nous accusent sont ceux dont les entrepôts regorgent de matériel nucléaire. Ils parlent de sécurité. Si vous êtes tellement préoccupés par ce sujet, pourquoi ne pas vous débarrasser de vos propres arsenaux? »
Sur l’homosexualité :
Selon M. Ahmadinejad, l’homosexualité est « une conduite très laide » qui selon lui a été condamnée « par tous les prophètes, toutes les religions et toutes les croyances ». « Cette sorte de soutien à l’homosexualité est uniquement ancrée dans les pensées des capitalistes endurcis et de ceux qui sont favorables à l’accroissement du capital plutôt qu’aux valeurs humaines. » (CNN)
Sur le film islamophobe L’innocence des musulmans :
« Nous condamnons toute action provocante qui offense la pensée religieuse et la sensibilité de n’importe quel peuple » (CNN). M. Ahmadinejad a désapprouvé fermement l’offre d’une récompense de 100 000 dollars, par un ministre pakistanais, à qui exécuterait le réalisateur copte du film.
Sur Salman Rushdie, 10 jours après que la fondation religieuse iranienne qui a mis à prix la tête de l’écrivain depuis 1989 a augmenté sa prime à 3,3 millions de dollars :
(En souriant) : « Salman Rushdie, où est-il aujourd’hui? » « On est sans nouvelles de lui. Est-il aux Etats-Unis ? S’il est aux Etats-Unis, vous ne devriez pas diffuser [cette interview], pour sa sécurité. » (The New Yorker).
Chahid Bendriss