« J’irai solitaire jusqu’à la mort… » Connaissez vous Isabelle Eberhardt (Genève, 1877 – Aïn Sefra – Algérie, 1904)

Par Fatima Zohra SALAH

Elle a fait de sa courte vie un grand voyage. Déguisée en homme, elle parcourt le Sud algérien, adopte la religion musulmane, et partage le quotidien des bédouins. Elle meurt à 27 ans en plein désert dans la crue d’un oued. Sa passion pour l’écriture nous permet d’avoir aujourd’hui des textes passionnés et passionnants sur une époque et des lieux peu connus.
«Nomade j’étais, quand toute petite je rêvais en regardant les routes, nomade je resterais toute ma vie, amoureuse des horizons changeants, des lointains encore inexplorés.»

Né en 1877 à Genève, dans un milieu fermé qui l’étouffe, et qui favorisera son mysticisme, son attachement à l’Islam, sa solitude, son sentiment constant de décalage, son individualisme, sa liberté, Isabelle a vingt ans quand elle effectue son premier voyage à Böne, dans l’Est constantinois. Elle y rédige la première version de Yasmina. Deux ans plus tard elle quitte Tunis pour un court voyage au Sahara. C’est le début d’un attachement indéfectible à une région, à ses hommes et ses femmes, à une culture.

C’est aussi à cette époque qu’elle prend l’habitude de s’habiller en homme, et de signer Si Mahmoud Saadi. « Je suis seul, et je rêve. » Outre le fait que cette tenue lui permet sans doute dans certaines occasions de circuler plus facilement, elle correspond aussi à une sorte de dédoublement de la personnalité. Ce qui ne fait qu’ajouter à la complexité : Isabelle est un cœur généreux débordant de tendresse qu’il faut savoir découvrir derrière le masque du cynique et du débauché arboré pour la galerie. Débauches, beuveries, mais aussi générosité, compassion pour ses semblables.

En 1900, un an après sa rencontre décisive avec El Oued, Isabelle y revient, rencontre Slimène, l’homme de sa vie, et s’y installe. L’amour et le désert. Et l’ailleurs. « Moi, à qui le paisible bonheur dans une ville d’Europe ne suffira jamais, j’ai conçu le projet hardi, pour moi réalisable, de m’établir au désert et d’y chercher à la fois la paix et les aventures, choses conciliables avec mon étrange nature. » Un moment chassée de son paradis, elle y reviendra en 1901, après avoir obtenu la nationalité française en épousant Slimène. En 1903 elle croisera Lyautey, un moment apôtre d’une colonisation « différente ». Un an plus tard, le 25 octobre 1904, elle trouve la mort lors d’une crue dans un oued de l’Afrique qu’elle aimait. « J’irai solitaire jusqu’à la mort. »

Vie d’aventure, «Il n’y a qu’une chose qui puisse m’aider à passer les quelques années de vie terrestre qui me sont destinées : c’est le travail littéraire, cette vie factice qui a son charme et qui a cet énorme avantage de laisser presque entièrement le champ libre à notre volonté.»

Fatima Zohra Salah

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