Par Chahid BENDRISS
Du fait des facilités d’entrée au Maroc, les Européens contournent les formalités de visa en faisant des allers-retours tous les trois mois. Français, Turcs et Chinois arrivent en première position. Le Maroc compte beaucoup moins d’étrangers qu’au début des années 60 et demeure essentiellement un pays d’émigration.
Salariés Chinois au Maroc
Le Maroc un pays d’immigration après avoir été, par excellence, celui de l’émigration ? Le ministre PPS de l’emploi, Abdelouahed Souhail, semble le croire lui qui, début juillet, dans une intervention à un forum du Conseil économique et social de l’ONU, établit un lien de causalité entre «la crise de l’emploi au Maroc» et «l’afflux de ressortissants des pays du Nord (…)» ! Les chiffres pourtant n’indiquent nullement que le Maroc soit devenu ou est en train de devenir un pays d’immigration.
Lors du dernier recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) réalisé par le Haut commissariat au plan (HCP) en 2004, la surprise a été grande pour beaucoup de découvrir que, finalement, le nombre d’étrangers officiellement résidents au Maroc n’était que de 51 435 personnes, soit 0,17% de la population totale recensée à cette date. En 1960, quatre ans après l’indépendance du pays, le Maroc comptait 396 000 étrangers. 44 ans après, il n’en restait que 50 000.
En 2014, date du prochain RGPH, nous saurons si cette communauté d’étrangers a augmenté ou non et dans quelle proportion. Mais une quasi-certitude déjà : quelque importante que puisse être l’évolution du nombre d’étrangers depuis 2004, leur poids ne dépassera pas 1% de la population totale, tout au plus ! Rien à voir avec les proportions d’étrangers observées dans les pays réels d’immigration : 70% aux Emirats Arabes Unis, 35% au Luxembourg, 23% en Suisse, 22% en Australie, 21% au Canada, 16% en Autriche, 14% en Suède, etc. Ceci pour le cadre général. Sur la question spécifique de l’emploi, les étrangers travaillant au Maroc sont numériquement encore plus faibles. De là à penser qu’ils puissent «amplifier la crise de l’emploi»…
L’Anapec accorde en moyenne 2 000 attestations d’activité par an
Selon les statistiques du département de l’emploi, les salariés étrangers à la fin de l’année 2011 sont un peu moins de 9 000 personnes. Il s’agit bien sûr de travailleurs dont les contrats ont été visés, en premier établissement ou en renouvellement, par l’administration de l’emploi. Ce chiffre mérite quelques correctifs, le premier étant que certains étrangers, notamment européens, du fait des facilités d’entrée au Maroc dont ils bénéficient, n’accomplissent pas la formalité du visa de travail, ils peuvent se contenter d’un séjour touristique de trois mois renouvelables autant de fois que nécessaires par une simple sortie hors du territoire le temps d’un week-end par exemple. Ces personnes n’apparaissent donc pas dans les statistiques du ministère de l’emploi. Mais, objectivement, elles ne doivent pas être des masses ! Les salariés étrangers au Maroc, en vérité, représentent peu de choses. Même en considérant, hypothèse hautement improbable, que ceux qui sont déclarés au service du visa de l’emploi ne sont que la moitié de la population réelle des salariés étrangers, ceux-ci ne seraient qu’à peine 18 000. Que pèsent-ils dans la population active occupée, qui est de 10,3 millions de personnes, ou même dans la population des chômeurs qui est, au dernier chiffre, de 1,13 million de personnes. On est là sur des échelles tout à fait différentes.
Par ailleurs, ces salariés étrangers travaillent en général pour des sociétés étrangères ou à participation étrangère, et dans leur cas, il ne s’agit pas d’une immigration économique à proprement parler mais plutôt professionnelle et temporaire. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si les ressortissants de nationalité française sont en tête des salariés (3 116) dont le contrat a été visé par le ministère de l’emploi. Rappelons en effet que la France est économiquement très présente au Maroc, elle y est le premier investisseur. De la même manière, si les Turcs (740) viennent en deuxième position en termes de contrats visés par l’administration, c’est parce que ces dernières années, les entreprises turques sont fortement présentes au Maroc dans le cadre des marchés d’infrastructures qu’elles réalisent. La preuve, s’il en fallait encore une, qu’il s’agit moins d’immigration économique que professionnelle et temporaire, c’est que le classement des contrats visés par nationalité montre que les quatre premières concernent de grands pays développés : France (3116 salariés), Turquie (740), Chine (625) et Espagne (298).