Maroc: le Colonel en retraite Mohamed Mellouki se demande s’il ne faudrait pas destituer Abdelilah Benkirane ?

J’ai longuement hésité à écrire cette page, parce que je voulais me convaincre que la raison qui me l’a inspirée pouvait résulter d’un simple lapsus qui ne méritait pas d’en faire des vagues. Mais avec le temps, je découvris qu’elle était, au contraire, moralement et politiquement condamnable et constituait dans la nouvelle phase constitutionnelle qu’entame le Maroc une première atteinte à la cohésion sociale et une insulte à l’intelligence et à la dignité marocaines.

En accusant les laïcs de pactiser avec le diable, le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane a usé d’une rhétorique idéologique dangereuse : d’un côté, il y a le PJD et ses islamistes et de l’autre les ennemis du PJD. Une telle sentence puise, à défaut de parti unique, dans une pensée unique sous-tendant un référentiel sectaire que l’on croyait aboli, à jamais, du discours politique. Qu’aurait été sa réaction si du temps qu’il était de l’autre côté de la scène gouvernementale, il avait été traité de la sorte ?

Interviewé par une certaine presse, il n’a pas trouvé mieux, pour évacuer sa bourde à moindres frais, que de rétorquer qu’il ne visait aucune personne précise. Cette échappatoire est encore plus grave que la faute parce que si personne n’était réellement visé cela supposerait que « quiconque se sent morveux se mouche ».

Que Benkirane s’en tienne à sa volonté de mettre de l’ordre dans le gâchis dans lequel végète le pays pratiquement sur tous les plans, c’est tout à son honneur. Le pays a certes besoin d’un chef de gouvernement décidé, sérieux et honnête, mais qui se cantonne dans son rôle d’homme d’Etat, avec ses avantages et ses inconvénients, et ne se prend pas, dès lors, pour un Ayatollah s’adjugeant le droit d’incarner la conscience nationale et de jeter l’anathème sur ses adversaires politiques.

Que dire, alors, d’Erdogan que Benkirane n’a pas manqué tout récemment d’encenser et glorifier ? N’assume-t-il pas en toute conscience sa foi musulmane, sa  tendance  islamiste  et  la défense  de la  laïcité de  l’Etat ? N’a-t-il pas incité, à leur grand dam certes, les Frères égyptiens et les islamistes tunisiens et libyens à suivre l’exemple turc ? Avec quel diable a-t-il, lui, pactisé ?

Je ne connais pas les effectifs encartés dans le PJD. En faisant preuve d’une extrême générosité, je ne pense pas qu’ils dépassent 200.000 âmes entre militants et sympathisants ; par contre, je sais que ce parti a obtenu aux dernières Législatives cinq à six fois plus de voix qu’il en compte réellement, et donc sûrement venues en majorité de cette masse laïque que diabolise Benkirane.

Alors avec quel diable cette masse a-t-elle pactisé en votant pour le PJD ? Et pourquoi Benkirane a-t-il accepté dans son cabinet des ministres notoirement connus pour leur laïcité et même leur aversion pour les islamistes ? Qui a pactisé avec qui ? Ou, alors, y a-t-il un diable halal et un autre haram? Faudrait-il rappeler à M. Benkirane deux vérités essentielles :

– La 1ère est que l’édification du Maroc moderne, post-indépendance, a été en grande partie l’œuvre de laïcs ; elle avait commencée en 1956 quand Benkirane avait à peine deux ans ; et parmi cette œuvre, celle institutionnelle qui ne manque pas de tares, certes, et dont il n’a découvert les bienfaits que tardivement en 1996.

– La 2ème est que sans ce laïc de Driss Basri, bon gré, mal gré mentor du MUR et, donc, du futur PJD, il est fort probable que Benkirane et consorts n’auraient jamais franchi la porte du MPDC et ne seraient pas là où ils sont actuellement.

– À ces deux vérités, j’ajouterai que si nous savions tous qu’à l’époque ce parti était politiquement, et au plan national, une coquille vide, le journal Al Ousboue vient de publier dans son n° 684 –page 4 –du 15 mars 2012, sous la plume de Radad Al Aâkbani, une grave révélation selon laquelle secrètement, et sûrement à l’insu même de Driss Basri bien berné donc par El Khatib, le MPDC n’était rien moins qu’une filiale des Frères musulmans, c’est à dire la représentation d’une organisation politico-spirituelle étrangère, interdite au Maroc.

Reste à savoir si Benkirane savait ! La question est posée !
Marocaines et Marocains, nonobstant ce dernier aspect qui ne manquerait sûrement pas de répercussions ultérieures, les propos de Benkirane ne résultent pas d’un dérapage verbal. L’homme maîtrise bien sa pensée ; et à moins qu’il ne consente à présenter ses excuses à la Nation, je vous proposerais de réfléchir à sa destitution pour prévenir que des Gouvernants, aux dehors trompeurs, paternes et sympathiques, puissent être tentés d’évoluer en apprentis dictateurs ou guides de conscience parce qu’ils n’auront pas été arrêtés à temps dans leur ambition du pouvoir, qu’ils nous auront pris pour des « canards sauvages » et que nous aurions, de notre côté, accepté ou donné l’impression de l’être.

Le Colonel en retraite, Mohamed Mellouki

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