Le Colonel Mohammed Mallouki et l’autopsie de la fatalité : son premier roman est à lire !

Un enfant ramassé dans la zone, adopté, aimé, soigné restera marqué d’une malédiction jusqu’à la fin des ses jours. Comme Caïn, si l’on en croit Mohamed Mellouki, auteur du roman publié chez Eddif: « Les Amarres du destin ». Quelle que soit son ascension dans l’échelle sociale, sa fortune bien ou mal acquise, né dans la pourriture il retournera à la pourriture. C’est son destin, il ne peut que le voir s’accomplir. L’homme-marionnette ne peut animer lui-même ses fils, voilà la condition humaine. Ni la révolte, ni le libre-arbitre, ni la contrition n’empêcheront Nems le bagnard de payer le prix de ses crimes.
Et chacun de ses crimes est la conséquence directe du crime qui le précède. Sexe, crimes et politique. Tout un univers vert glauque qui n’est déjà plus aussi glauque parce qu’il est froidement décrit, analysé. Une autopsie de la fatalité devenue cobaye dans un laboratoire marocain traversé par des convulsions électorales, les luttes entre les présumés gentils, les présumés méchants et tous les autres. La gauche démagogique et la droite féodale. Mais tout cela est secondaire. De l’uniforme à la machine à écrire, un itinéraire particulier chez nous que celui de Mohamed Mellouki. Le roman français a ses anciens paras devenus écrivains, nous avons un colonel de la gendarmerie. Mohamed Mellouki, maintenant à la retraite, s’est reconverti à la littérature après des dizaines d’années de bons et loyaux services dans une institution de l’armée marocaine.
Cela lui arrive au moment où il avait définitivement dit adieu à son ego, comme il le dit lui-même. Une question: Les Amarres du destin sont-elles un compte-rendu médical, un rapport de police, un diagnostic psychiatrique? L’auteur dit que le commandement et le contact avec la population font d’un colonel de la gendarmerie un psychologue improvisé. Le lecteur se demande si la sécheresse de l’énoncé des catastrophes ne provient pas de l’habitude de rédiger des rapports spécifiques à ce corps d’armée. Devient-on dur au contact de la violence quotidienne, des tensions et des accidents de toutes sortes? Il est vrai que l’on n’a affaire à la gendarmerie que dans les coups durs. Une telle étude de caractères relève peut-être d’un naturalisme qui s’ignore car Mohamed Mellouki n’en a pas entendu parler et d’ailleurs, même Emile Zola qu’il a lu ne l’a pas spécialement marqué.
Les amarres du destin ont fait d’un homme, trouvé bébé dans une décharge, un suicidé de luxe, 50 ans plus tard, un fou d’orgueil déchu par la faute d’un amour qui suinte comme une alcôve. Un assassin qui, après une série de crimes que le destin a commis pour lui, ne peut plus se regarder en face. Un itinéraire grave que celui de ce Nems, le furet, devenu Ahl Nser, les enfants de l’aigle. Deux prédateurs, celui des bidonvilles et celui du Parlement, un même homme que l’amour puis le confort et le succès politique ont mené du bas de l’échelle sociale aux sommets. La chute sera d’autant plus rude. Mektoub.
« Un soir je me suis couché sereinement dans mon lit, dans ce que je croyais être la justice pour me réveiller le lendemain sur un douloureux tas d’épines », écrit Mohamed Mellouki. Il vaut quand même mieux écrire. À défaut de paradis et de justice. Si on échappe au destin…
Les Amarres du destin
Mohamed Mellouki.
Editions Eddif, Casablanca.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *