Egypte : la classe politique favorable à la révolution est décidée à en finir avec le pouvoir de la junte militaire

Par Sami Sérif

«Le peuple et les militaires, une seule main », c’était le slogan récurent dans les lèvres des millions de manifestants avant la chute du dictateur Moubarak. L’heure n’est plus où l’on pourra encore crier en ce sens. S’étant arrogé nombre de compétences habituellement laissées au Président et au Parlement après la décision controversée de la  Cour Constitutionnelle déclarant illégale l’élection de l’Assemblée nationale et aussi la loi qui interdit aux anciens dignitaires du régime de se présenter aux élections, le Conseil Suprême des Forces Armées semble accomplir en sous-mains, un véritable coup d’Etat. Le moins qu’on puisse dire à ce propos est que ces décisions ramènent  le pays au début du processus entamé avec la chute de Moubarak et confirment la thèse suivant laquelle ledit Conseil  tient à porter un coup de grâce  au mouvement révolutionnaire commencé  le 25 janvier 2011.

De fait, la révolution égyptienne est entrée dans une zone d’incertitudes. Le CSFA a lancé une offensive pour mettre à bas les conquêtes de ces derniers mois. A vrai dire, ce processus avait commencé dès le 4 juin 2012 avec la décision du ministère de la justice suivant laquelle les militaires pourront arrêter des civils. Il s’est confirmé par l’acquittement, à l’issue du procès Moubarak, des principaux responsables du ministère de l’intérieur accusés d’avoir donné les instructions pour que la troupe tire sur des manifestants pendant la révolution. Depuis, des signes avant coureurs attestaient de la continuation du processus. Il y a la poursuite des arrestations arbitraires et de la torture dans les prisons, l’usage de la xénophobie avec une incroyable publicité mettant en garde les Egyptiens et les dissuadant de parler aux étrangers, la décision du CSFA de reprendre dans ses mains tout le pouvoir législatif qu’il avait cédé au Parlement et de « compléter » la Constitution, dans l’attente d’une réécriture totale du document; la tenue du second tour de l’élection présidentielle, alors même que la déclaration constitutionnelle votée par le peuple en 2011 et soutenue par le CSFA supposait que le président ne pouvait être élu qu’après le Parlement. Est venu le report de l’annonce des résultats officiels de l’élection présidentielle et les déclarations de Chafik et son entourage sur sa certitude quant à sa victoire contre Morsi retenu comme élu par nombre de sources quasi-officielles.

Le coup d’Etat ainsi accompli en douceur par les militaires a acculé la grande majorité de la classe politique à vouloir en finir avec la junte se présentant comme la garante de l’existance et de la continuité de l’Etat. Les manifestations de ces quatre jours dans toutes les villes égyptiennes illustrent parfaitement le mécontentement des égyptiens contre leurs militaires. Les Frères Musulmans qui  portent eux-mêmes une responsabilité importante dans la situation créée, du fait de leurs erreurs multiples et de leur incapacité à tisser des alliances, semblent être convaincus que la junte militaire ne veut pas d’eux au pouvoir. La campagne déclenchée dans certains médias depuis leur victoire aux élections législatives rappelle le climat  entretenu par les pouvoirs en place avant le printemps arabe : « nous ou les islamistes ». De fait, journalistes, intellectuels « libéraux », petits partis croupions qui avaient soutenu l’ex-président égyptien etc, se sont mobilisés pour appuyer «l’Etat profond», celui qui n’a pas pâti de la révolution, mais qui avait seulement baissé la tête.

Aujourd’hui, les Frères Musulmans sont acculés à revoir leur stratégie. Ils se cherchent des alliance parmi la classe politique favorable à la révolution. Une déclaration conjointe des forces progressistes qui rassemblent les Frères Musulmans, les Salafistes, le Mouvement du 6 avril, et nombre d’autres courants de la révolution égyptienne, vient d’être faite par Morsi. Ces forces ont exigé l’annonce immédiate du résultat officiel de l’élection présidentielle  et se sont déclarées favorables à la constitution d’un gouvernement mixte et représentatif aussi bien des minorités et des femmes que des jeunes de la révolution. Le candidat Morsi qui s’attend d’être reconnu officiellement Président élu dans les heures ou les jours qui viennent, a promi même de désigner un cabinet de la présidence où seront admises des personnalités connues pour être représentatives de la société et de nommer au poste de chef de gouvernement une personnalité connue par son nationalisme et sa neutralité.

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