5- La Syrie et La guerre des détroits pour l’accès de la flotte russe aux bases syriennes de Tartous et de Lattaquié.
Au delà de la démonstration de force, la Russie entend conférer une prime à la Loyauté et à la fidélité à l’égard d’un allié central du Moyen Orient, l’unique pays arabe à lui être demeuré inconditionnellement loyal, contrairement à l’Egypte sadatienne ou à la Somalie de Zyad Barré, voire même l’Irak de Saddam Hussein, situé de surcroît à «toutes les articulations des conflits du Moyen orient. Moscou vise à dissuader aussi toute menace contre la sécurité de la navigation de sa flotte, particulièrement son accès vers les eaux chaudes de la Méditerranée, spécialement le littoral syrien où la Russie dispose des deux seules bases en Méditerranée, Tartous et Lattaquié.
La base navale permanente russe en Syrie offrirait un avant-poste stratégique en Méditerranée en remplacement des installations louées à l’Ukraine, dont le contrat prendra fin en 2017. Des travaux d’approfondissement du port syrien de Tartous et d’élargissement de celui de Lattaquié ont déjà entrepris. La base de Tartous serait protégée par un système de défense antiaérien S-300 PMU-2. L’acte d’accusation du tribunal spécial sur le Liban en désignant du doigt le Hezbollah libanais, le 30 juin 2011, le jour même de l’adoption de la déclaration de politique générale du nouveau gouvernement libanais de Najib Mikati, en pleine révolte syrienne, de même que la relance des supputations sur une possible attaque des installations nucléaires iraniennes, paraissent destinés à maintenir sous pression le binôme Syrie-Liban, dans une guerre de substitution à l’Iran, en vue de mettre en sourdine l’offensive diplomatique des Palestiniens visant à proclamer un état palestinien indépendant, en dépit de l’opposition des Etats-Unis et d’Israël.
La Syrie est, ainsi donc, à son tour, sur la sellette, après l’Irak qui a implosé en 2003, la Libye qui s’est caramélisée, en 2011, et l’Egypte qui s’est neutralisée et marginalisée du fait de sa cavalcade solitaire dans sa pactisation avec Israël, en 1979. L’éternel trouble fête de la politique arabe fait l’objet d’une manœuvre de contournement de la part des grands pays arabes en vue de provoquer sinon l’effondrement du régime baasiste, à tout le moins à le forcer à rompre avec son allié iranien et à annoncer sa reddition au nouvel ordre américain que les Etats-Unis et leurs grands alliés régionaux, l’Arabie saoudite, la Jordanie et le Qatar, tentent vainement d‘instaurer au Moyen-Orient depuis le début de la mandature de George Bush il y a une décennie.
Unique pays se réclamant de la laïcité dans le Monde arabe, mais partenaire stratégique de l’Iran, l’unique régime théocratique se réclamant du chiisme, la branche rivale du sunnisme, segment dominant dans les pays arabes, la Syrie est simultanément et cumulativement accusée d’être un foyer du terrorisme international, un pivot de l’axe du mal, le phagocytaire du Liban et de la Palestine, le fossoyeur du leadership libanais. En un mot le grand perturbateur d’une paisible et riante zone par excellence: le Moyen-Orient. Une thèse relayée sans retenue et avec une belle unanimité par les grands médias occidentaux tant dans la presse audiovisuelle que dans la presse écrite, tant par les intellectuels médiatiques que par les scribouillards besogneux.
Pointée du doigt pour sa responsabilité présumée mais non avérée dans l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, la Syrie est mise en quarantaine diplomatique par les Etats-Unis, frappée d’un boycottage de fait des grands pays arabes qui lui imputent la fragilité du pouvoir au Liban, régulièrement soumise de surcroît, en toute impunité, à des coups de butoir d’Israël, tantôt par un mystérieux raid aérien au dessus du nord syrien, à l’automne 2007, tantôt par l’assassinat sur son sol d’un chef militaire du Hezbollah Imad Moughniyeh, le Maître d’œuvre des opérations antioccidentales au Moyen orient depuis vingt ans.
Mais ce paria là, selon le schéma occidental, se trouve être en phase avec la multitude des «laissés pour compte» de la paix, à tout le moins perçu comme tel au delà des turpitudes dont son régime peut être, à tort ou à raison, crédité, qui voient en lui l’ultime porteur de la revendication nationaliste arabe, à une période de l’histoire marquée par une déperdition identitaire et une religiosité régressive. Redoutable honneur qui lui vaut l’hostilité sans nuances des pays qualifiés de «modérés» dans le jargon diplomatique et médiatique occidental, principalement les huit monarchies arabes, c’est-à-dire les régimes affligés des mêmes tares d’autoritarisme, de népotisme et de corruption que le régime syrien mais que leur alignement docile au camp occidental exonère de toute critique.