1- La France, Bourhane Ghalioune et la perspective d’un nouvel Ahmad Chalabi syrien.
Artisan du démembrement de la Syrie par l’amputation du district d’Alexandrette et son rattachement à la Turquie (Hatay), l’ancienne puissance mandataire chercherait à reprendre pied dans son ancienne possession en vue de sanctuariser son influence au Liban, en régression constante depuis 40 ans, où ne subsiste que 27 pour cent de francophones contre 67 pour cent dans la décennie 1960. Par un activisme médiatiquement tapageur, elle a réussi à placer à la tête de la coalition des opposants de l’extérieur, deux membres de la fonction publique française, le président du Conseil National de Transition, M. Ghalioune et une de ses collaboratrices, Basma Kodmani, longtemps chercheuse à l’IFRI, le fortin atlantiste de la pensée stratégique de la diplomatie française. Sans assises populaires, sans ancrage territorial, sans tradition de lutte, doté d’un cursus exclusivement bureaucratique, le clan français de l’opposition syrienne parait donner un gage de modernité et de laïcité à une coalition largement dominée par les Frères musulmans. L’adoubement empressé de M. Ghalioune par le prédicateur médiatique Youssef Al-Qaradawi a démontré les limites de sa marge de manœuvre, réduisant à néant ce bel échafaudage médiatique.
Signe d’une désorientation mentale, Bourhane Ghalioune, ancien militant de la gauche radicale, expulsé de son pays pour avoir émis des critiques sur la pratique religieuse dans les pays arabes, se livrera, bourgeois de Calais des temps modernes, corps et âmes, poings menottés et pieds liés, au dogme néoconservateur, s’engageant à rompre avec l’Iran et à couper les voies de ravitaillement du Hezbollah Libanais. Invraisemblable posture qui renvoie dans l’imaginaire arabe au destin funeste d’Ahmad Chalabi, l’ancien chef de file de l’opposition irakienne pro américaine, rejeté dans les poubelles de l’Histoire une fois son forfait accompli.
Une abdication qui lui vaudra d’ailleurs un volet de bois vert de la part de certaines des plus importantes figures de l’opposition syrienne et arabe. «Il n’est pas permis de sacrifier l’unité des révolutionnaires de Syrie pour la tranquillité de Hilary Clinton», secrétaire d’état américain, lui assénera Haîtham Mann’ah, une des figures de l’opposition syrienne, dans un libelle intitulé «Conseils gratuits pour une politique étrangère» paru le 10 décembre 2011 dans le journal libanais «As Safir», tandis que le chroniqueur d’Al Qods Al Arabi, Rachad Abou Chawar, s’étonnait que sa priorité porte sur le châtiment des deux pôles victorieux de la résistance à l’hégémonie israélo-américaine (3).
L’activisme pro américain des pétromonarchies, exclusivement contre les régimes républicains, tant en Libye qu’en Syrie, avait suscité d’ailleurs une levée de boucliers de certains d’intellectuels arabes qui ont dénoncé une nouvelle manœuvre américaine visant à abolir l’esprit de résistance dans le Monde arabe. Les plus en vue des critiques pétro monarchiques auront été l’universitaire égyptien Rifa’at As Sayyed Hassan, Maan Bachour ainsi que Ibrahim Allouch, fils du dirigeant palestinien Naji Allouch, qui a pris la tête d’une manifestation contre l’ambassade américaine à Amman.
Sur le terrain (4), La DGSE a aménagé une plateforme opérationnelle, dans le nord du Liban, en vue former des opposants syriens à des opérations commandos contre le pouvoir alaouite, avec pour mission précisément d’instruire et de structurer les « contingents » de «l’Armée syrienne libre», censée regrouper des milliers de déserteurs syriens et dont le chef nominal, le colonel Ryad al-Asaad, se trouve précisément réfugié en Turquie depuis septembre 2011.
Nicolas Sarkozy a caressé le projet d’une «intervention limitée» de l’OTAN contre la Syrie, à partir de la Turquie qui pourrait servir de base arrière à cette opération «humanitaire, sans action offensive». Mais ce projet pourrait avoir été contrarié par la nouvelle tension surgie entre les deux parrains de l’opposition syrienne, la France et la Turquie à la suite de la volonté de la France de sanctionner la négation du génocide arménien, sujet ultrasensible en Turquie qui en fait un casus belli diplomatique. Des hommes de la CIA du BND (les services allemands) et des services anglais seraient eux aussi déjà à pied d’œuvre, en Turquie et en Jordanie, tant pour l’entrainement des dissidents que pour veiller à la fluidité du trafic d’armes en leur faveur que pour réceptionner les combattants salafistes dirigés depuis les pétromonarchies du Golfe vers ce fief sunnite du nord du Liban. Du côté turc, le ravitaillement en armes se fait depuis la base atlantiste d’Incerlik et la formation des combattants dans une localité du sud est de la Turquie Hakkary.