Au moins cinq personnes ont été blessées lundi, dont une par balle, pendant la première manifestation de colère à Gao contre les groupes armés contrôlant depuis fin mars cette ville du nord-est du Mali et qui tiraient en l’air, selon divers témoins joints de Bamako par l’AFP.
La manifestation avait débuté timidement lundi en milieu de journée, avant de prendre de l’ampleur dans l’après-midi et elle se poursuivait lundi soir dans deux quartiers, d’après divers témoins, qui ont parlé de centaines d’habitants protestant notamment contre l’interdiction faite à des jeunes par les groupes armés de jouer au football ou de regarder la télévision.
« Actuellement, les groupes armés tirent en l’air, mais des centaines de civils manifestent en brûlant des pneus un peu partout dans la ville. Tout le monde en a marre des groupes armés », a déclaré à l’AFP Ousmane Telly, un fonctionnaire à Gao.
C’est la première manifestation de colère de la population depuis que, le 31 mars, cette cité est tombée sous le contrôle de divers groupes armés, dont le Mouvement national de libération de l’Azawad (rébellion touareg), Ansar Dine (islamiste) et Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Selon plusieurs témoins, ce sont des hommes d’Ansar Dine et du MNLA qui tiraient en l’air. Une source hospitalière a affirmé avoir reçu cinq blessés, dont un par balle.
« Ce sont tous des civils. L’un d’entre eux a été blessé par une balle perdue, les autres sont tombés en courant pour fuir dans un quartier l’avancée des groupes armés qui tiraient en l’air », a-t-elle expliqué, sans plus de détails.
Selon des témoins, dans un des quartiers, des manifestants ont arraché les drapeaux d’Ansar Dine et du MNLA et ont hissé à la place le drapeau national malien.
« Les femmes, les enfants, les jeunes… tout le monde est dehors et demande le départ de groupes armés. Nous n’avons plus peur. Trop, c’est trop », a affirmé Abdoulaye Diré, animateur d’une radio locale.
D’après un élu municipal ayant requis l’anonymat, les habitants ont été excédés par le fait qu' »hier (dimanche), des hommes armés ont empêché des jeunes de jouer au football, et ils ont également cassé une télévision que regardaient des jeunes. C’est ça qui a tout déclenché ».
Ensuite, « ce lundi, des hommes armés ont tenté sans succès de s’approcher des tombeaux des fondateurs de la ville. (…) Les civils ont organisé une ceinture de protection. La tension est montée », a ajouté le responsable municipal.
Le maire de Gao, Sadou Diallo, joint alors qu’il se trouvait à Bamako, a indiqué avoir eu des témoins qui lui ont raconté la manifestation en cours, et s’est dit inquiet pour la population.
« Ce qui se passe est grave. Les islamistes risquent de tuer les gens », a dit M. Diallo, appelant au retrait de la cité des hommes armés, qu’il a qualifiés de « criminels » et d' »assassins ».
Ces groupes armés sont accusés par diverses sources de violations des droits de l’Homme – l’ONG Human Rights Watch (HRW) ayant parlé de « crimes de guerre », évoquant des viols, des pillages et l’enrôlement d’enfants soldats.
Ils ont profité du renversement par des militaires, le 22 mars, du régime du président Amadou Toumani Touré (ATT), pour accélérer leur offensive déclenchée mi-janvier : en trois jours, du 30 mars au 1er avril, ils ont pris le contrôle de Kidal (extrême nord-est), Gao et Tombouctou (nord-ouest), trois régions administratives de cette vaste zone aride du Mali.
Depuis, les putschistes ont officiellement remis le pouvoir à un civil, Dioncounda Traoré, qui a prêté serment le 12 avril, et a désigné Premier ministre Cheick Modibo Diarra. ATT est aujourd’hui réfugié au Sénégal.
Mais le pays est dans une situation de blocage politique sur les modalités de la transition : 40 jours d’intérim selon le délai constitutionnel, douze mois suggérés par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) mais rejetés par les putschistes, qui restent omniprésents sur la scène politique. La Cédéao n’a plus évoqué de délai au cours d’un sommet à Dakar le 3 mai.
La principale mission des organes de transition sera de trouver une solution à la crise dans le Nord, où les islamistes occupent désormais une position dominante.
Mardi, la Cédéao a à nouveau menacé d’imposer des sanctions au Mali, accusant l’ex-junte militaire de « perturber la transition politique » et de « déstabiliser » ce pays de 15 millions d’habitants.