Société : La loi se veut gardienne de l’honneur de la société aux dépens des droits des femmes
La Vie éco: Que dit la loi sur le viol ?
Le code pénal marocain définit le viol dans l’article 486 comme étant l’acte par lequel un homme a des relations sexuelles avec une femme contre le gré de celle-ci. Ce crime est passible d’une peine de cinq à dix ans de prison. S’il est commis sur une mineure de moins de 15 ans, la peine est la prison ferme de dix à vingt ans. Si le coupable est un ascendant, un tuteur ou un serviteur de la personne violée, ou s’il est fonctionnaire ou ministre d’un culte, l’infraction est assortie d’une circonstance aggravante et la réclusion portée de dix à vingt ans dans le premier cas, de vingt à trente ans dans le second.
On ne peut pas dire que la loi est laxiste en la matière…
C’est dans l’application des textes que le bât blesse. Dans tous les cas de figure, c’est à la femme d’apporter la preuve de l’accusation. Dans le cas où la victime est majeure, une enquête est rarement diligentée, sauf s’il s’agit de viol collectif ou d’inceste. Si la victime majeure dépose une plainte et qu’elle est déboutée, elle est automatiquement poursuivie pour «fassade» (débauche), c’est-à-dire qu’elle est coupable d’avoir déclaré avoir eu une relation sexuelle hors de l’institution du mariage. De victime de viol, la plaignante devient coupable de débauche ! Enfin, le viol à l’intérieur de l’institution du mariage n’est pas reconnu dans la loi marocaine.
Apporter des preuves est tout de même une règle juridique…
Certes, mais pour le viol, c’est très compliqué. Le viol est un acte commis dans des conditions bien particulières. Le juge devrait en principe demander une enquête poussée et ordonner des expertises psychiques et sociales afin que la vérité soit établie. Parfois, il suffit que le présumé violeur prétende avoir payé sa victime afin de consommer une relation sexuelle, pour qu’il échappe à la justice.
Qu’en est-il dans le cas où la victime est mineure ?
Si la plaignante avoue avoir rencontré le présumé violeur plus d’une fois, ce dernier sera poursuivi pour détournement de mineur, et pas pour viol. Si la victime insiste sur le fait qu’elle ne connaît pas le violeur, le parquet adopte souvent la posture de la réconciliation par le biais du mariage, afin d’éviter l’humiliation à la famille de la victime. A cet égard, le code pénal a plus à voir avec la préservation de la moralité publique qu’avec la défense des droits des citoyens ! La loi au Maroc sert à préserver l’honneur de la société aux dépens des droits des personnes, des femmes et des enfants dans ce cas précis. Le code pénal marocain est à l’opposé des lois dans les pays qui respectent les libertés individuelles et les droits fondamentaux.
Et que se passe-t-il quand c’est une femme mariée qui a été violée ?
Le juge se montre plus sévère quand c’est une femme mariée qui est victime de viol. Parce qu’il s’agit là de l’honneur bafoué d’un homme, en l’occurrence celui du mari de la victime. La femme est toujours reléguée derrière la société des hommes.
L’article 486 ne protège-t-il donc pas les femmes ?
L’article 486 est un beau texte, mais dans la réalité, il est d’une part soumis au pouvoir décisionnaire du juge. Et de l’autre, il est «victime» de la philosophie patriarcale et moralisatrice du code pénal. Dans la loi, nulle mention de l’âge, si le viol occasionne une grossesse. Alors que dans la pratique, si la victime est majeure, la plaignante passe la plupart du temps pour une débauchée («fassida»). Si la plaignante est mineure, le juge ordonne un test ADN afin de prouver le viol et non pour la reconnaissance de paternité, partant du principe que «l’enfant occasionné par un acte sexuel hors mariage n’a pas droit à la reconnaissance». En plus, même si le viol est avéré, les peines d’emprisonnement n’ont absolument rien à voir avec ce qui est cité dans l’article 486. Elles varient en général entre 18 mois et trois ans.
Hicham Houdaïfa