Ils n’ont pas osé aller en pélerinage en Tunisie par crainte du printemps arabe. Mais au Maroc, les juifs n’ont pas peur de venir vénérer leurs saints en toute tranquilité.
Comme chaque année, quelque 5.000 juifs –la plupart d’origine marocaine –sont venus de tous les coins du monde, et notamment d’Israël, pour rendre hommage aux 1.200 saints enterrés dans cette terre d’islam qu’ils « aiment », priant à l’unisson pour la « paix et la cohabitation entre les deux religions » au Moyen-Orient.
Le plus important des sanctuaires juifs au Maroc est celui d’Amran Ben Diwane, un saint vénéré qui repose depuis 250 ans au dessus des montagnes de Ouazzane (200 km au nord de Rabat).
« Mille saints reposent au Maroc, l’un des lieux les plus importants au monde avec un pélerinage qui dépasse les cinq mille personnes », explique Jacob Tordjamn rabin de Tanger.
Le sanctuaire Amrane Ben Diouane, planté dans un cimetière juif, se dresse au milieu de plusieurs hectares d’oliviers.
Sous surveillance policière, son accès est autorisé aux seuls Marocains dûment munis d’une autorisation délivrée par la communauté juive du royaume.
Sous une chaleur de 42 degrès cette semaine, un juif venu d’Israél sursaute quand on lui demande s’il prie aussi Dieu pour réconcilier Israéliens et Palestiniens.
« Mon frère que tu sois juif, arabe ou musulman nous voulons tous la paix, laisse moi prier », répond-il devant la tombe supposée être celle du saint Amran.
Le pélerinage dans ce sanctuaire, commencé jeudi s’achève samedi soir après le Shabbat.
Durant ces cinq jours de prières, les pélerins fortunés dorment dans de petites villas, les autres couchent dans des maisonnettes au toit de zinc.
Sous un immense olivier, ils défilent chaque jour, jetant des cierges sur un énorme bûcher allumé à même la tombe d’Amran Ben Diwane. « Un homme pieux, intègre, bienfaiteur, bon » lit-on sur une plaque ornant la façade d’une synagoque.
Au premier soir, un juif orthodoxe, Mahmane Bittgoun « venu de Jérusalem » lance un son puissant à travers une corne. « C’est pour amplifier les prières et la bénédiction », assure-t-il. Les femmes l’encouragent en poussant des youyous.
Il s’arrête un moment de jouer sur cet instrument qui remonte à la nuit des temps, et invite l’assemblée à écouter sa conversation téléphonique établie par gsm avec des pélerins du temple Mirone, un saint enterré près de Tel-Aviv.
« Ils sont maintenant 130.000 pélerins à Mirone, ils vous saluent, prient pour vous et vous demandent de prier pour eux à travers Amran Ben Diouan », lance-t-il le front en sueur.
Un rabin Natan S. résidant à Beercheva (Israël) refuse de parler de politique. « Religieusement on prie pour la paix au Proche-Orient mais politiquement, je refuse de parler », dit-il coupant court à toute question sur le conflit.
Vers minuit, les pélerins s’en vont prier dans la synagogue d’en face sans oublier le « grand saint » Rabi Simon Baryoha enterré en Israël à qui « tous les juifs du monde rendent hommage cette semaine suivant le calendrier hébraïque ».
Après la chaleur torride du jour et l’épreuve du pélerinage, rendue encore plus dûre à supporter à cause de la lueur des flammes et l’odeur piquante des bougies brûlées, les pélerins partent s’installer dans un immense restaurant pour festoyer au son de la musique.
La traditionnelle et étonnante cérémonie de vente aux enchères des bougies ponctue le repas.
La collecte, qui se chiffre à des millions d’euros, est versée dans une caisse pour la rénovation et l’entretien des sépultures des 1.200 saints juifs du Maroc.
AFP